Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE OÙ L’IMPOSSIBLE DEVIENT POSSIBLE
LA PIÈCE OÙ L’IMPOSSIBLE DEVIENT POSSIBLE

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LA PIÈCE OÙ L’IMPOSSIBLE DEVIENT POSSIBLE

Ul Delalune as Ul Delalune

Depuis longtemps j’entendais parler de ce mystérieux château aux cent mille pièces, sans jamais parvenir à le trouver. Comme les nouvelles se propagent vite dans le monde des aventuriers, tous mes amis s’étaient également mis à la recherche du château. N’ayant aucune nouvelle d’eux depuis des mois, je supposais qu’ils avaient atteint leur but, ou qu’ils étaient morts avant d’y parvenir. Toujours est-il que, me retrouvant seul dans mon village abandonné, je ne progressais plus dans mes recherches. Il me semblait être les plus incompétent de tous les aventuriers, et j’étais au bord du désespoir, lorsque je retrouvais au fond de ma pile de livre que je lisais adolescent, un Je Bouquine , dont l’un des articles (recopié en têtes de page), indiquait le CHEMIN à suivre pour parvenir au château ! Ma sensation de débilité profonde passée, c’est avec une joie et un empressement incommensurable que je me mis en route pour la conquête de ma vie. Le chemin semé d’embûches qu’indiquait mon magazine fut d’une facilité enfantine pour l’aventurier expérimenté et prévoyant que j’étais (je ne me suis perdu que… ah non, j’ai perdu le compte en fait !). Arrivé devant les immenses portes du château, je ne pus brider plus longtemps mon impatience, et c’est sans réfléchir que je m’engouffrais dans l’antre dont je n’allais pas ressortir avant longtemps. Je n’avais évidemment pas pris la peine de noter le chemin emprunté à l’aller avant d’entrer dans la pièce. (ce qui de toute manière, aurait sans doute été inutile, je soupçonne en effet le château de modifier son aspect au fur et à mesure du temps, ce qui supposerait également que ce château puisse avoir bien plus de cent mille pièces). En effet, je me retrouvais dans un cul-de-sac, si on peut dire, c’est à dire que je me trouvais face à une porte, que je ne pouvais contourner sans rebrousser chemin. A cet instant, l’angoisse me nouait le ventre. Mais c’était surtout l’excitation qu’éprouve tout aventurier, liée au danger et à l’inconnu, qui dominait. Aussi, lorsque je trouvais enfin le courage d’ouvrir la porte, c’est presque avec déception que j’accueillis ce qui m’attendais derrière celle-ci. Un carrelage blanc soudé par des joints noirs recouvrait l’intégralité de la pièce du sol au plafond. En dehors de moi, la pièce était entièrement vide. Bien que je n’aie pu m’empêcher d’admirer la qualité du travail du carreleur pour la régularité des carreaux, je dois avouer que je m’attendais à quelque chose de plus palpitant. La régularité même des carreaux me décevait : s’ils avaient été irréguliers, j’aurais pu imaginer que cette pièce causait des troubles de la vue, ou une distorsion de l’espace-temps. Mais la normalité de cette salle de bain -car c’était bien l’impression que j’avais : être entré dans ma salle de bain – m’empêchait toute extrapolation. Cela me plongeait dans… l’eau ? Avant même que j’eus le temps de comprendre ce qui m’arrivais je me retrouvais en train de me noyer dans la baignoire géante qu’était devenu la pièce, l’esprit étourdi par les lignes des carreaux qui dansaient désormais sur les murs. Frustré, je détournais mon regard pour me concentrer sur la nage. A ce moment-là, je regrettais amèrement de ne pas avoir prévu de maillot de bain. A peine eussé-je pensé cela que mon équipement disparu pour laisser place à un maillot de bain noir bordé d’argent, avec les lunettes assortis. Et lorsqu’il me traversa l’esprit qu’avoir des bouteilles d’oxygène faciliterait grandement mon exploration, je m’en trouvai immédiatement équipé. Je m’amusais un moment à nager dans les eaux calmes, heureux que celles-ci ne soit pas infesté de piranhas, lorsque un banc de ces fameux poissons carnivores m’encercla soudain, ne me donnant aucun échappatoire. Affolé, j’essayai d’abord de les repousser, puis de les éviter en plongeant, remontant, zigzaguant autant qu’il m’en était possible sans palmes. Cela ne m’évita pas de nombreuses morsures. En proie aux affres de la douleur et au bord du désespoir, je finis par hurler : « Disparaissez ! ».
Aussitôt, les piranhas ne furent qu’un mauvais souvenir, mais c’est à peine si je m’en rendis compte. La seule chose que je désirais à ce moment précis, c’était que mes blessures disparaissent, avant que je ne me vide de mon sang. Peu à peu, ma douleur s’atténuant, je me mis à espérer trouver une plage qui borderait l’immensité d’eau que je parcourais. Lorsque je me retrouvais au sec sur une plage de sable fin, je pus enfin réfléchir sur ce qui m’arrivait. Et je parvins à l’évidence : cette pièce accomplissait tous nos désirs. Frénétique, je commençais aussitôt mon œuvre, un transat, d’abord, puis une température idéale, puis une peau résistante au soleil, pour pouvoir bronzer en paix, un cocktail pour me rafraîchir … Je devins de plus en plus exigeant : une peau déjà bronzée, un autre cocktail, cette fois apporté par une mannequin folle amoureuse de moi, la carte d’un restaurant cinq étoile pour le dîner…
J’ignore combien de temps je suis resté dans cette pièce, à profiter de cette vie merveilleuse. Cependant, lorsque j’en viens à demander à la pièce de raser ma barbe qui égalait celles de Gandalf et Dumbledore réunies, je me décidais à poursuivre mon exploration. Avant de quitter la pièce, j’eus une dernière requête cependant. Voulant connaître les meilleures pièces que visitaient les explorateurs du château, je demandais à la pièce de faire en sorte que le magazine Je bouquine publie chaque mois la meilleure des pièces du mois. Si mon vœu fut exaucé par-delà les murs du château, je ne le sus jamais…

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