PtiteLu as PtiteLu
Je battis des paupières. La brume qui embuait mon regard m’empêchait de voir clairement autour de moi. Je ne parvenais pas à discerner la pièce dans laquelle je me trouvais… Je me rendis compte que je n’avais aucune idée de l’endroit où j’étais, aucune notion du temps… Je me redressais difficilement. À mon étonnement, tous mes membres complètement engourdis et je sentais à chaque mouvement une douleur lancinante dans ceux-ci. Je ne retins pas une grimace lorsque je me m’assis sur mon séant. Je me sentais encore ensommeillée, et en me frottant les yeux, je commençais à m’interroger. Un brouillard de pensées se bousculant dans mon esprit m’empêchait de penser clairement… Et soudain, ça me frappa. Le château, les pièces. L’exploration. Il me semblait être entrée dans cette pièce des millions d’années auparavant. Et si c’était le cas…? Je regardais mes mains, qui semblaient être les mêmes, touchait mon visage et mes cheveux pour m’assurer qu’ils n’avaient pas changé… Le soulagement m’envahit comme si un liquide chaud se répandait en moi. Je ne me souvenais pas m’être endormie en pénétrant dans la pièce, persistait seulement un vague souvenir perdu dans ma mémoire vaporeuse.
Je pouvais à présent contempler la pièce, mes yeux ayant recouvré leur acuité habituelle. Elle était tout en longueur, c’était presque un couloir en réalité, avec un plafond très haut brodé de de lunes et d’étoiles dorées sur un fond bleu nuit. Il y avait pour seul éclairage des cierges dispersés dans la salle un peu aléatoirement, dont les ombres vacillantes dansaient sur les murs sombres. La pièce elle-même baignait dans une ambiance obscure mais apaisante. Je me surpris à éprouver le soudain besoin de m’allonger à nouveau sur l’épaisse moquette, si douce, si chaude et moelleuse, si réconfortante… Je me repris, n’oubliant pas que je devais continuer mon exploration. Peut-être m’étais-je endormie il y a des années pendant lesquelles des dizaines d’explorateurs avaient pu découvrir des pièces extraordinaires, regorgant de beauté, de mysticisme ou de danger, ressentir des émotions à couper le souffle, à glacer le sang, à en trembler, voir des choses si insolites et inconcevables… Et je dormais. Je n’avais aucune idée de tout cela, j’étais endormie dans une pièce qui semblait me piéger par mon unique faiblesse, ma paresse…
Furieuse contre moi-même, et contre mon corps endolori qui semblait avoir oublié les gestes les plus simples, je parvins à me relever (non sans mal). J’entrepris de traverser la pièce, certes en longueur, mais pas aussi vaste que les précédentes que j’avais explorées, et où j’avais passé bien moins de temps, pourtant. Je trébuchais à chaque pas, me retenant au mur pour avancer dans une lente et douloureuse progression. J’avais tellement envie de me m’effondrer au sol, de sentir une douce torpeur m’envahir, des rêves affluer dans mon esprit, quelle tentation chaleureuse et irrésistible… Je ne cessais de me ressaisir en me réprimandant intérieurement. Il fallait que je fixe mon regard sur la porte au fin fond du couloir, légèrement dans l’ombre.
Soudain, à quelques mètres seulement de la sortie, un bruit de grelot parvint à mon oreille. Quel beau son, si doux et pur… Je relevais le regard pour appercevoir un homme très mince, dont je ne saurais déterminer l’âge, souriant très largement. Il était perché sur un petit balcon en forme de nuage, au dessus de moi. Habillé tout de doré, il portait sur sa tête un chapeau de forme conique et de même couleur. Des petites paillettes brillaient aux coins de ses yeux, des étoiles constellaient sa large robe d’or. Il portait un large sac dans sa main gauche, et en piochait de l’autre de grandes poignées de sable qu’il lançait vers le plafond et les grains minuscules, étincelant à la lueur des bougies, retombaient tout autour de moi. Un bâillement m’échappa alors que je me frottais les yeux dans lesquels je suspectais des grains de sable de s’être glissés. L’ensommeillement m’envahit de nouveau… Luttant contre cette torpeur tentatrice, fermant les yeux pour échapper aux pouvoirs soporifiques du marchand de sable, je me dirigeais avec une volonté friable certes, mais déterminée malgré tout, vers la porte de bois. J’avais l’impression de marcher au coeur d’une tempête infernale, chaque pas coûtant un effort démesuré. À peine ai-je effleuré la poignée de la porte que celle-ci s’ouvrit à la volée, et une bourrasque incroyablement vivifiante me heurta de plein fouet.