Ailes d’Ange (Aile 2) as Ailes d’Ange (Aile 2) (JBlogueuse/Château)
Noir. Je n’y voyais goutte.
J’en étais presque à regrette d’avoir insisté pour passer cette porte lorsque, dans un claquement sourd, un spot s’alluma. Il emprisonna dans son pinceau de lumière l’espace devant moi, et la personne qui s’y trouvait.
Grande, blonde, les yeux clairs, elle me fixait, imperturbable. Ni elle ni moi ne parlions. Le silence dura ce qui me sembla une éternité. L’immobilité me pesait. Doucement, je remuai les doigts. Elle fit de même. Je me figeai.
Une hypothèse folle s’insinua en moi, accompagnée de la peur.
Se pourrait-il que … ?
J’inclinai la tête sur le côté. En un parfait reflet, elle m’imita.
Tremblante, je levai la main en sa direction, horrifiée de la voir monter sa main vers moi.
A l’instant où nous allions nous toucher, la lumière se fit dans la salle dans un bruit impressionnant.
Des centaines.
Il y en avait des centaines, autour de moi. Des centaines de sosies dans l’exacte même position, différant par l’apparence physique.
Mon pouls s’accéléra.
« qui êtes-vous ? »
Cette question franchit mes lèvres sans que je ne m’en rende compte.
« Je suis toi. »
La réponse me parvint, sortant de toutes leurs bouches, en même temps. Elles avaient ma voix. Elles étaient… moi ?
La terreur m’emplit. Une certitude s’imposa à moi.
Je devais trouver ma vraie réplique. Vite. Pourquoi ? je l’ignorais … et sinon ? je ne savais pas.
Mais l’urgence m’oppressait.
Je fermais brièvement les yeux.
Lorsque je les rouvris, je fixai la grande blonde.
« tu n’es pas moi. »
Son visage se tordit en une grimace affreuse, et elle s’évapora.
Commença un étrange ballet.
Une à une, je les éliminais.
Toujours cette même petite phrase.
« tu n’es pas moi. »
Combien de temps cela dura ? Aucune idée.
Au bout de ce qui me semblait une éternité, il n’en restait qu’une poignée. Elles avaient bougé sans que je ne m’en rende compte, m’encerclant, m’obligeant à tourner sur moi-même pour parvenir à les voir.
Elles étaient toutes plutôt petites. Cheveux long et sombres, peau colorée.
Comment trouver la vraie ?
Dans un parfait ensemble, elles tendirent un doigt accusateur vers moi.
Comment faire ? Que savais-je de moi ?
Les marques dans mon dos.
Je relevais ma tunique, la faisant passer par-dessus ma tête. La fraicheur me fit frissonner. A moins que ce ne soit l’appréhension ?
Je pivotais sur place, leurs mouvements se claquant sur les miens.
Un dos lisse. Une simple phrase. Une de moins.
La pièce d’Emmanuel.
Les doigts au fond de ma poche. Le contact avec le métal froid. La main tendue devant, les doigts à plat.
Une paume vide. Quelques mots. Une de moins.
Plus que quatre.
Leur attitude changea. Elles ne me singeaient pas. elles avaient leur propre volonté. Une agressivité nouvelle. Le cercle se resserra.
Je fis mine de sortir une arme. Elles firent de même. L’une d’entre elle avait une dague dans sa main.
« Tu n’es pas moi. »
J’avais hurlé avant qu’elle ne me transperce la peau.
Les doigts des autres ne firent que me frôler.
Trois.
Mon sang battait à mes tempes. Je peinais à trouver mon souffle.
L’une prit appui dans les mains en creux d’une autre, s’élançant en hauteur. Je pris sa suite.
L’impression de fendre l’air m’enivra un instant. L’espace d’une seconde.
Puis je me retrouvai en face d’elle. Nos yeux se croisèrent.
Et je la dépassais. Je m’envolais. La pesanteur n’avait plus d’emprise sur moi.
Ça ne dura presque rien. Une poignée de grain de sable dans un sablier.
La gravité me rattrapa. Mes pieds touchèrent le sol.
Elle ne l’atteint pas, s’évaporant avant.
Deux.
Deux jumelles. Rien ne les différenciait.
Il y avait quelque chose. Il y avait forcément quelque chose de non identique.
L’urgence me tordait le ventre.
Je déglutis et baissai mes paupières. Ne plus les voir, rien qu’un peu.
Une idée me vint. Ma main se glissa dans ma poche.
Le métal froid de la pièce. L’ivoire lissé du miroir. Celui que Jad avait fait apparaitre pour moi.
Toujours les yeux fermés, je remontai la glace à hauteur de mon visage.
J’y glissais un regard.
Des iris violets.
Je n’avais pas besoin de plus. je soulevai grand les paupières. Mais elles les gardèrent fermées. J’avais trouvé leur point faible.
Mais… comment faire ? un gémissement m’échappa. Il se mua en une plainte lancinante.
Je savais qu’il serait bientôt trop tard.
Trop tard.
« sil te plait…. »
Ce n’était qu’un murmure. Une supplique inaudible.
L’une entrouvrit ses yeux. Trop peu pour que j’en distingue la couleur.
Un gout amer de bile monta dans ma bouche.
« aide-moi… »
Un peu plus. juste assez pour voir du noir.
« ce n’est pas toi… »
Elle effaça.
Une
Il n’en restait qu’une. Il ne restait que moi.
Un sourire étira ses lèvres.
Elle disparut.
En face se trouvait un tableau. Un grand tableau noir comme dans les écoles. Des mots étaient écris à la craie.
ANALAYANN
BONNE MAITRISE DE LA PEUR PAR L’ACTION.
MANQUE DE CONFIANCE EN ELLE.
APTE A POURSUIVRE.
Un ricanement m’échappa. Comment voulaient-ils que j’ai confiance en moi ? je ne savais même pas qui j’étais … apte à poursuivre ? à poursuivre quoi ? vers la rencontre avec Emérence ?
La porte qui remplaça le tableau me sortit de mes questions amères. Je la passai.