Enfant des mers as Enfant des mers
Un cri. Du blanc. Beaucoup de blanc. J’étais au milieu des cadavres, après l’archer fou, puis… puis quoi ? Il s’était passé quelque chose… Un docteur, une table… Des images qui défilent dans ma tête. Un autre cri qui déchire le silence. Des mots, murmurés dans mon oreille…
J’étais allongée dans un lit d’hôpital. Une lampe éclairait doucement la chambre.
—You’re okay. Thanks god, you’re okay. I was so worried! Sara, do you know how long you’ve been sleeping?
Une main, un sourire… Cette voix… Qui était-ce ? Je cherchai le nom, mais en vain. Mes souvenirs me revenaient peu à peu : le vieux docteur, son monologue, ce regard qui m’a tant effrayé, les courtes phrases échangés dans cette langue qui m’était étrangère, et enfin, la seringue. Et aussi idiot que cela paraisse, la seule chose à laquelle je pensai fut mes parents. Ils allaient m’assassiner. À tous les coups, ils me regardaient encore, réfugiés derrière les murs de la ville. Et sérieusement ? Je m’endors deux fois en cinq minutes ? Mais qu’est-ce que j’ai, bon sang ?
—Sara? Are you even listening? Hey, Sara?
J’ouvris les yeux. Un visage se pencha sur moi, et pendant un instant je fus saisie d’un doute.
—Miri? Is that you?
—Yeah. It’s me. Your little sister.
—What… Why? You were supposed to stay safe, with Mom and Dad! I was the one who was picked! They didn’t… Why did you came here?
—I had to see you.
Bien sûr. Elle voulait me voir. Elle n’avait qu’à demander aux parents, ou à Lily, et elle m’aurait vu. Je passai au français, sachant qu’elle était plus à l’aise avec cette langue.
—Pourquoi mens-tu ?
—Je ne mens pas.
Je la regardai.
—Miri, on m’a injecté du liquide dans mes veines, mais ce n’est pas pour autant que je suis devenue aveugle. Qu’est-ce qui se passe ?
—Rien ! Je te jure, je voulais juste…
—Miri.
Elle ouvrit la bouche, me regarda, puis la referma. Ses yeux se fixèrent sur un point derrière moi. Elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille, joignit ses mains, les écarta l’une de l’autre. Elle joua un instant sur le bord de mon lit. Finalement, elle leva les bras en l’air.
—Ils sont sortis des remparts.
— …
—Il y a quelques jours. On a essayé de les arrêter, mais ils étaient trop nombreux. Et puis leurs magiciens, Sara, tu les aurais vus, ils pouvaient soulever des blocs de pierre, des morceaux de murs, et leurs bêtes, elles étaient affreuses. Ils avaient même des griffons et des sphinx. Nous n’avions aucune chance. Ils sont arrivés, et ils ont tout détruits. Les maisons, l’école, l’épicerie. Ceux qui avaient des dons ont tentés… Et leurs magiciens les ont tués en premier. Mais ça n’aurait fait aucune différence, car maintenant il ne reste plus personne. Ils sont tous morts. Papa, maman, Ellenita, Lia et Carl. Les Magiciens, ils ont dit qu’ils arrêteraient s’il n’y avait plus de rassemblement. Ils ont dit que tout ça, c’était de la faute de ceux qui se rebellent. De ceux qui combattent le Maître du château. De…
—Miri. Stop. S’il te plait.
—J’étais dans la cabane. J’ai tout vu. Je suis restée jusqu’à ce qu’ils soient partis. Et après, j’ai couru. Mais Sara, si tu voyais…
Les larmes coulaient sur ses joues, comme sur les miennes. Je la pris dans mes bras. Mes parents, mon frère, mes sœurs… Morts ? Je ne voulais pas la croire. Je ne voulais pas avoir entendu. Je voulais oublier, ne pas y penser. Je voulais qu’elle mente. Mais Miri était incapable de mentir. Je la serrai contre moi.
Ça ne pouvait pas être de ma faute. Je refusais d’y croire. J’avais fait bien des choses inexcusables, mais je n’étais pas responsable de la mort de ma famille. Ce n’était pas possible. Non. Le Château était puissant, mais il n’aurait pas eu le pouvoir de sortir de son refuge. Dehors, il est impuissant. Non ?
Ma sœur murmura quelque chose.
— Miri ?
—Il nous prenait déjà nos sœurs et nos amies, mais jusque-là, il n’avait jamais tué. Je le hais.
—Moi aussi.
Mais je me haïssais encore plus.
—Tous, Miri ? Ils sont tous morts ?
—Oui.
Et elle pleura de plus belle. Je laissai mon chagrin de côté et la câlinai, la rassura pendant des heures.
—Tout ira bien, lui disais-je.
Quel beau mensonge ! Mais elle semblait y croire. Alors je continuai.
Quand elle eut séchée ses larmes, je me levai et lui pris la main.
—Viens. On y va.
Je la menai vers une porte grise, plate, sombre. Une porte sans vie.