Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DES GRAFFITIS (DES NOUVELLES DU GARÇON)
LA PIÈCE DES GRAFFITIS (DES NOUVELLES DU GARÇON)

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LA PIÈCE DES GRAFFITIS (DES NOUVELLES DU GARÇON)

lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste as lerêveurtoujours?oui,toujours!optimiste

Nous sommes montés aussi longtemps que ces escaliers nous l’ont permis. Et puis un palier. Et encore un de ces couloirs à vous filer la chair de poule.

– Dis, Noone. On fait quoi maintenant, demanda Charlie que cette longue ascension avait réussi à calmer provisoirement.
– Ecoute, je crois qu’on n’a plus le choix. Il faut entrer dans une de ces pièces. Vas-y, choisis un porte, lui dis-je en voyant son large sourire encore plus large que d’habitude !

Franchement, je m’attendais à ce qu’il pousse vivement la première porte venue. En fait, il marcha tout doucement devant plusieurs portes, écoutant attentivement…avant de s’arrêter devant l’une d’elles. Il me lança un regard interrogateur auquel je répondis d’un haussement d’épaules qui signifiait « pourquoi pas » !

Charlie avait finalement sans doute compris pas mal de choses sur le château et surtout sur les dangers qu’il pouvait cacher, car il ouvrit la porte tout doucement, comme je l’avais fait quelques fois avant lui.

Soulagement. Aucun autre mot ne me vint à l’esprit. Car la pièce semblait vide de tout danger.
Je m’y sentis même curieusement tout à mon aise. Et je compris vite la raison de ce bien-être évident.
Les murs étaient recouverts de graffitis, tous plus colorés les uns que les autres. De grosses lettres bedonnantes dessinaient des mots qu’il était difficile de déchiffrer tant ils prenaient de place sur le mur. Au- dessus, un ciel étoilé incitait à la rêverie. Avec un soleil, brillant, dans un coin tout en haut. Incongru. Je reculai pour mieux admirer l’ensemble…et je parvins à lire les mots. « Carry your world ». J’eus un hoquet de surprise ! Voilà pourquoi je me sentais tout à mon aise ici ! Ce soleil dans un coin du graff…ces mots…c’était le garçon, l’auteur de ce tag géant !

Il lui avait dû lui falloir des jours et des jours pour graffer une telle surface ! Peut-être était-il resté là depuis le début !
J’allais ouvrir la bouche pour expliquer à Charlie qui était l’auteur de cette gigantesque fresque, mais les mots ne parvinrent pas à quitter ma gorge. Car je venais de découvrir le bas de ce tableau extraordinaire, et un sentiment de malaise succéda subitement à l’euphorie qui m’habitait la seconde d’avant : une mer déchainée, sur laquelle une multitude de minuscules bateaux peinaient pour ne pas sombrer. Le sentiment de malaise grandit progressivement en moi. Je m’approchai plus près de cette mer torturée. Sur la plus petite des embarcations, un jeune garçon luttait avec…oh mon Dieu, non ! Ce n’était pas possible ! Le graffeur avait figuré…la Créature ! Celle que j’avais rencontrée au pied de ce funeste sapin de Noël , et qui avait manqué m’avaler comme une vulgaire cacahuète !

Je reculai brusquement. Le garçon n’avait pu dessiner la Créature avec autant de détails..sans l’avoir rencontrée !
Je n’arrivais plus à respirer. L’air me manquait. Je m’affalai contre le mur qui faisait face au graffiti, et me concentrai sur le soleil, dans le coin, en haut, comme toujours.

– Ca va ? osa timidement me demander Charlie.
– Non, oui, je…je ne sais pas, balbutiai-je en tentant de retrouver un semblant de calme.

Ce qu’il y a de bien, avec un compagnon comme Charlie, c’est qu’il ne vous harcèle pas de questions dans ce genre de moments. J’avais tellement espéré avoir des nouvelles du garçon…il me fallait assumer la vérité : lui aussi était exposé à tous ces dangers, comment avais-je pu penser qu’il en fut autrement !

– Allez, viens Charlie. Il nous faut trouver le chemin du 83ème étage.

Car un espoir nouveau était né en moi. Si j’avais entendu Emerence, moi, invisible aventurière de ce château, forcément lui aussi l’avait reçu. Il ne me restait plus qu’à espérer que le garçon se dirigeait lui aussi vers elle.

Je pris Charlie par la main (enfin, ce qui faisait office de main chez lui) et nous sortîmes ensemble.

Avant de refermer la porte, je regardai une dernière fois le graff, en tentant de masquer à mon regard la mer violacée. C’était tellement lui…

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