Miss Lovegood as Miss Lovegood
J’entrai dans cette nouvelle pièce. Elle était assez vaste et possédait un plafond très bas, composé de nuages. Je voltigeai et essayai d’en toucher un.
-Aïe !
Les nuages étaient électrifiés et libéraient une décharge très puissante dès qu’on les frôlait. Je fus contraint de rester à terre et de marcher normalement. Nous trottâmes donc, tranquillement et arrivâmes à une intersection : deux chemins s’offraient à nous. Caliorynthe sortit le miroir d’Amélie. Celle-ci paraissait terrorisée : elle tremblait et affichait un air désespéré.
-Qu’est-ce qu’il t’arrive ? lui demandai-je
Elle me répondit pas et fit un petit mouvement vers la gauche.
-On est bientôt arrivé chez toi ? Tu es dans la prochaine pièce ?
Elle secoua la tête négativement.
-C’est pas possible ! On en a encore pour combien de temps ?
Au lieu de répondre à ma question, elle désigna la droite d’un mouvement de bras.
-Je suis désolé, mais je ne comprends rien là…
Amélie recommença son geste.
-Attends… tu n’es pas en train de me dire que le chemin pour te rejoindre est celui de droite ?
Elle opina du chef.
-Tu ne voulais pas qu’on aille te délivrer ?
Elle hocha frénétiquement la tête.
-Ça fait presque un an que je veux te revoir ! Tu crois vraiment qu’on va prendre le chemin le plus simple en se disant « tant pis pour Amélie, on s’en fiche » ? C’est totalement débile d’emprunter un sentier moins dangereux si il n’y a rien au bout !
-Alors ? demanda Caliorynthe
-Celui-là, répondis-je en désignant celui qui menait chez Amélie
Om se leva d’un bond et suivit Caliorynthe. Je fis de même. Nous parcourûmes le chemin pendant dix bonnes minutes, quand un cri retentit derrière nous :
-Ne bougez plus, ou je tire !
Je m’arrêtai brusquement : cette voix ne m’était pas étrangère, elle appartenait au serviteur du Dominateur. Comment avait-il pu retrouver notre trace aussi vite ?
-C’est bien qui avez les perles ?
-Absolument pas, commença Caliorynthe, nous ne sav…
-Cessez de raconter des mensonges ! Vous me prenez pour un idiot ?
– Rendez-les-moi immédiatement ! continue le bonhomme, très énervé
-Monsieur, calmez-vous, on ne sait pas du tout de quoi il s’ag…
-Très bien ? Puisque vous continuez votre petit manège, je vais appeler mon chef ! Ça commence à bien faire !
Il ferma les yeux, puis appuya trois fois sur le sommet de son crâne. Je profitai de ce moment pour observer plus attentivement notre charmant visiteur. Petit, trapu, il portait une chemise violette, une veste verte, un pantalon orange, des bottines bleues, ainsi qu’un bonnet rouge. Cet être multicolore se dandinait d’un pied à l’autre, incapable de rester immobile. Avec sa voix fluette et ses vêtements colorés, il n’inspirait aucune crainte. Je suis persuadé qu’il aurait pu être très gentil si le Dominateur ne l’avait pas enrôlé dans son armée. Le bonhomme rouvrit ses yeux et dit : Le voilà !
-Ce sont donc eux, ces fameux aventuriers, qui ne cessent de mentir ?
Je me retournai vivement, et vis alors une gigantesque créature bleue. Elle possédait trois têtes. Chacune d’entre elles était pourvue de deux paires d’yeux et d’une bouche qui esquissait un petit sourire malicieux. De gros boutons rouges parsemaient sa peau écaillée, lacérée et abimée. Elle portait un tablier marron, un petit trop petit pour elle. Ses mains toutes écorchées se terminaient par des longs doigts, très fins. Ses pieds palmés, si grands, semblaient être de véritables professionnels dans le domaine d’écrasement d’insectes.
-Vous ne possédez pas de voix ? dit-elle
-Vous êtes le Dominateur de l’histoire du Château ? demanda bien fort Caliorynthe
-Tu n’as pas répondu à ma question, petite, mais je vais considérer ce faible chuchotement pour une voix. Oui, je suis bien le Grand et Puissant Dominateur. Et si je suis venu jusqu’ici, c’est pour récupérer quelque chose qui m’appartient et qui se trouve actuellement dans votre petit sac.
-On ne vous a rien pris ! criai-je
Il tourna lentement sa tête dans ma direction et me dévisagea longuement.
-Tiens tiens… un esprit… Très intéressant… Je me souviens parfaitement de la demoiselle qui t’abritait. Jeune et naïve, c’est exactement ça…
-Vous savez où elle est ? Vous l’avez enfermée dans votre demeure, c’est ça ? Pouvez-vous la délivrer ? Je vous en supplie, Grand et Puissant Dominateur, je ferai tout ce que vous voudrez.
Je sentais qu’Amélie n’était pas loin. Mon cœur dansait dans ma poitrine, je n’avais jamais été aussi heureux depuis des années.
Le Dominateur éclata de rire et me répondit :
-Elle n’est pas chez moi ! Il va falloir que tu t’adresses au Château pour retrouver ton amie !
-Conduisez-nous à lui, ordonna Caliorynthe
Le Dominateur dégaina une épée longue et très aiguisée. Mon compagnon prit son petit poignard offert par le Père-Noël et fonça sur la gigantesque créature. Celle-ci attrapa Caliorynthe, la lança derrière lui et fit de même pour moi. Je fis un petit vol plané, touchai les nuages électrocutés, puis atterris.
«Esprit ! Viens ici» chuchota une petite voix. Je me retournai. Mon amie s’était retranchée derrière un buisson.
-J’ai pensé qu’on pourrait lui planter mon poignard dans son pied, ça va le déstabiliser, proposa-t-elle
-Tu as raison. Je vais essayer de retrouver Om, et on s’occupera de lui pendant que tu arrives par derrière.
Je me frayai un chemin parmi les broussailles et rejoignis mon ami, complètement sonné. Le Dominateur respira un grand coup et souffla sur Om et moi. Nous fûmes projetés dix mètres plus loin. Je me pinçai le nez pour ne pas sentir l’haleine fétide de cette horrible créature. Le Dominateur remua ses mains, comme s’il malaxait une pâte de gâteau, puis les ouvrit et nous lança une boule de feu, que je repoussai grâce à un sortilège aquatique jeté avec la baguette magique. Il déballa alors une bourse, qui contenait des grains gris. Je les reconnu immédiatement : Lucifer possédait les mêmes. Je détalai le plus loin possible, pour éviter les grains, mais il était déjà trop tard. Je m’étouffai, toussai, quand le Dominateur s’approcha de moi. Il baissa une de ses têtes vers le sol et sa bouche me fit un grand sourire. Il respira un grand coup et… tomba par terre.
-J’ai réussi ! s’écria Caliorynthe
-Au secours ! Mon maître ! s’exclama la voix du petit serviteur Il faut que je l’emmène dans sa chambre, il doit avoir très mal !
Apparemment, le bonhomme était tellement préoccupé par le Dominateur qu’il avait oublié l’histoire des perles.
-Om ? Esprit ? demanda mon amie Que vous a-t-il fait ? Oh non ! reprit-elle après un instant de silence, ce ne sont pas les mêmes grains que ceux de Lucifer, j’espère !
Elle s’approcha de moi et essaya de me relever.
-Allez, courage, la prochaine porte n’est qu’à quelques mètres !
Je fermai les yeux, tout engourdi et incapable de faire le moindre mouvement. Je sentis les petits doigts de Caliorynthe attraper mes pieds et me tirer vers la pièce suivante.