Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE ADMINISTRATIVE
LA PIÈCE ADMINISTRATIVE

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LA PIÈCE ADMINISTRATIVE

Arrietty as Arrietty

Dans le hall glacial seulement éclairé par la lune, je vagabonde. De la lourde porte d’entrée entrebâillée s’engouffre un bruyant courant d’air que je ne sens même pas. Je ne sens plus rien depuis que je ne suis plus. Je suis ombre. Je suis esprit. Je suis morte.
Mon corps repose en paix dans le minuscule cimetière de Reïlb. Mon âme explore et découvre encore cette terre que j’ai quitté charnellement il y a des lustres.
Autour de moi, des milliers de portes. Toutes différentes mais pourtant, toutes vaguement identiques dans l’obscurité. Un rayon de lumière filtre sous certaines d’entre elles, laissant deviner les sombres dessins qui ornent le mur.
Alors que je passe devant une petite entrée, perdue au milieu de toutes les autres, un léger toussotement s’en échappe et, sans réfléchir je m’engouffre dans la salle, profitant de ma forme, qui n’est plus que brume, pour ne pas à avoir à secouer la poignée, vaguement curieuse de découvrir l’auteur de ce petit bruit. Immédiatement, une chaude lumière jaune m’accueille et, tandis que j’observe avec curiosité l’endroit, je sens que tout, ici, a été préparé pour que l’on puisse y classer le plus de choses possible. La pièce est si grande que l’on en voir presque pas le bout. Les murs sont tous recouverts de rangées de placards blancs dans lesquels s’entassent, des millions de classeurs noirs, certains tellement remplis qu’on les croirait presque prêt à exploser. Tout semble être d’une propreté immaculée, même le petit bout de femme aux cheveux grisonnants et aux paupière mi-closes qui grignote paisiblement un biscuit derrière un grand bureau, au milieu de la pièce.
Lentement, je me tourne vers elle, encore fascinée par pareil travail. Sa tête a disparu dans un tiroir duquel elle sort un énorme classeur sombre.

– Hum, hum. Votre nom s’il vous plaît…

Sa voix semble fatiguée, sa question, presque automatique. Je m’approche en voletant et, une fois devant son bureau, laisse échapper :

– Elheïln.
– Hum. Pouvez-vous me l’épeler, s’il vous plaît ?
– E. L. H. E. Ï. L. N
– Hum, hum. Parfait. Êtes-vous vivante ou morte ?

Tout en parlant, le petit bout de femme rempli un formulaire vierge qu’elle glisse dans le classeur.

– Heu, et bien, je suis morte.
– Hum, hum. D’accord. Dans quelle catégorie vous placez-vous ? Zombie, fantôme, esprit, ou autre ?
– Je suis… Je suis une ombre.
– Hum. Très bien. Vivante, dans quelle catégorie vous placiez-vous ? Humain, elfe, nain, autre créature ?
– J’étais une humaine. Mais qui…
– Hum, hum. Je vois. Pourquoi êtes-vous entré dans ce château ? Quête, aventure, hasard ?
– Je suis entrée dans cet endroit par hasard. Mais où suis-je en fait ?
– Dans la salle administrative, mademoiselle. Avez-vous emmené avec vous une quelconque arme ?
– Non. Non, je n’ai rien amené.
– Hum, hum. Pas non plus d’animal ou créature quelle qu’elle soit ?
– Non ! Pourquoi toutes ces questions ?
– Et bien parce que je remplis votre formulaire d’entrée au Château, évidement.
– Ah. Et…. A quoi est-ce que ça sert ?
– A vous enregistrer dans les dossiers, mademoiselle.

Renonçant à poser plus de questions, j’appose ma signature en bas du document que me tends la petite femme, puis m’incline devant elle, avant de tourner les talons. Doucement, je referme la porte et, alors que le matin se lève, jette un regard de défi au long couloir du rez-de-chaussé.

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