Calliope as Calliope
Je claquai la porte derrière moi et m’effondrai au centre de la pièce, maintenant mon bras blessé contre ma poitrine.
Ne t’inquiète pas, ça guérit vite.
Je ne pris même pas la peine de répondre. Tout ce que je voulais, c’était que cette maudite voix se taise enfin.
Ingrate.
Je voudrais monter le volume du silence, mais ce n’est pas possible. Je suis condamnée à subir les jérémiades de l’entité de brume. Jusqu’au bout.
Je m’assénai une gifle mentale. Avait-on idée de céder à l’abattement ! Il n’y a, dans ce Château, pas de place pour le découragement. Et ce n’est pas en restant prostrée que je trouverais comment me débarrasser de cette brume qui m’avait contaminée. Je persistais à croire qu’il existait une solution, un remède, que je ne pouvais pas ainsi devenir une créature du Château.
Je me relevai, plus décidée que jamais, et entreprit d’explorer la pièce. Celle-ci était, comme la précédente, peu lumineuse. Je butai du pied contre un meuble. Je passai mon doigt sur sa surface, puis l’approchai de mon visage ; il était couvert d’une épaisse couche de poussière.
– Ben dis donc, ça fait longtemps que personne n’a fait le ménage, ici…
Quelle remarque pertinente !
J’ignorai la réflexion sarcastique de mon compagnon invisible et tentai de me diriger vers le mur. Il fallait que je trouve la porte pour ressortir.
Je me raidis soudainement, paniquée par une lumière crue qui avait soudain surgi du plafonnier. Apeurée, je levais les yeux vers le plafond.
– De… L’électricité ?! Pourquoi ?
Je restais un moment silencieuse, comme si j’espérais sincèrement que quelqu’un allait me répondre. Lorsque je fus enfin certaine que personne ne me donnerait l’explication à ce phénomène, j’observais plus en détail la pièce. Quelques meubles vétustes, dont on n’apercevait plus ni la couleur, ni la matière, masquées par de la poussière épaisse, aussi noire que de la cendre. Des fils soyeux de toiles d’araignée tendus entre les murs et le mobilier. Des fenêtres aux rideaux noirs de crasse et tirés.
– On a déjà fait plus accueillant, commentai-je en dépoussiérant du bout des doigts un guéridon.
Ma main, lorsque je la retirais, était assombrie par la matière qui la recouvrait. Je la secouai pour l’en ôter, mais l’extrémité de mes doigts resta voilée de gris. Agacée, je l’essuyai contre mon péplos, le noircissant encore un peu plus. Je relevai mon bras devant mon visage.
– Mais pourquoi cette fichue poussière ne s’enlève-t-elle pas ?
Parce que ce n’est pas de la poussière. Tu ne l’as pas remarqué, mais depuis que tu as quitté la dernière salle, tu as cette marque, Calliope. Il s’agit de…
Je fermai les yeux. J’avais compris, avant même que mon coéquipier involontaire ne finisse sa phrase. Je le laissai tout de même achever.
C’est le début de ta contamination, Calliope.
– Génial… Rétorquai-je sarcastiquement pour éviter de m’effondrer purement et simplement. Résumons. Je n’ai aucune idée de comment enrayer ce phénomène. Je suis condamnée à devenir une créature du Château. Et tu tiens absolument à ce que je vous venge mais tu ne fais rien, ou presque, pour m’aider.
C’est ça. Enfin… Sauf le dernier point, qui me chiffonne un peu.
– Oh, ne soit donc pas susceptible ! Je compte justement résoudre ceci, et pas plus tard que tout de suite.
Quoi ?!
– Ne t’inquiète pas. Réponds juste à mes questions, murmurai-je froidement.
Calliope ! Tu es effrayante, arrête !
– Parce que je suis sérieuse et posée, pour une fois ?
Euh… Oui.
– Dis-moi pourquoi ce n’est que maintenant, et pas avant, que cette « contamination », comme tu dis, a commencé ?
Je suis désolé ! C’est ma faute !
Je me raidis violemment.
– Comment ça, ta faute ?
Je ne voulais pas, je te jure ! Seulement… Quand je t’ai dit d’utiliser ta force face à l’Illusionniste…
– Je t’écoute.
Chaque fois que tu utilise la force que je t’ai offerte, l’infection progresse.
Merveilleux. La seule et unique arme dont je sais me servir (si on excepte ma dague, avec laquelle je sais aussi bien combattre que si je me trouvais en possession d’une râpe à fromage) me condamne si je l’utilise.
– Dis-moi à présent pourquoi tu me parles et me conseilles alors que tu es censé être une créature du Château.
Calliope… Qui t’as dit que ma transformation était achevée ? La contagion se poursuit, encore et toujours.