Louvelo as Louvelo
Louvelo.
« Aventuriers, aventurières. Je suis de ces magiciennes qui connaissent le monde des rêves. Je suis de ces femmes qui combattent. Je suis comme vous. On dit souvent qu’il faut être solidaire, et je viens pour cela. Je suis Emerence, ex-dame du Château. Oui, du Château. Si vous étiez vivants, vous me foudroyez sur place. Mais vous êtes dans le monde des rêves, et c’est moi qui vous ai amenée ici. Vous êtes des aventuriers aguerris, combattants, sans faiblesses, vous combattez tout les jours notre monstre commun. Le Château. Oui, je dis le notre, car je suis avec vous. Le Château n’est pas qu’un ennemi. C’est la personne qui m’a pris mes fils, qui m’a fais mourir le cœur. Le Château est pour moi que haine, une haine brûlante. Si je le pouvais, je l’entrainerais avec moi dans ma mort, j’irai le combattre seule. Mais je ne peux. Je sais que parmi vous se cachent des magiciens, maitre d’armes, de magie noire, d’animaux fantastiques. Je suis coincée dans cette tourelle au 83 ème étage, la porte auburn, tout au nord. Vous entendrez sans doute mes cris. Pourquoi vous appelle-je ? Parce que je veux combattre notre terreur, cette suprématie, ce monstre, cet homme redoutable, qui n’a causé que tort. J’ai besoin de vous, de votre cœur, de vos vies, de votre passion, de votre combat. Alors, venez, pour la pièce 1000, me rejoindre, je vous en supplie. Et que les lâches, s’ils ne viennent pas, regretteront amèrement leurs refus »
La jeune femme sourit, d’un sourire amer et triste. Son visage pâle brillait dans la pénombre de mes rêves. Puis son image se brouilla, et elle disparut tout à fait.
Je me réveillai en sursaut, bondissant du sol où je m’étais couchée. Je saisis ma tête dans des mains tremblantes. Emérence… Son nom bourdonnait dans ma tête en une mélodie agaçante, formant une énigme que je ne pouvais pas résoudre…
Son visage me semblait familier. Je reconnaissais ses yeux, les contours de son visage qui déjà s’estompait peu à peu dans ma mémoire embrumée.
Animée d’une agitation furieuse, je saisis mon carnet, un fusain, et tentai d’esquisser ses traits sur le papier. Ses cheveux noirs, son air empreint d’une profonde tristesse, son sourire pale, effacé. Mais le dessin n’était qu’un brouillon, un croquis aux traits flous.
Ma main effleura le cuir souple de mon fourreau. Cela faisait longtemps que je n’avais pas utilisé la dague rayon-de-soleil. Même si elle détruisait une partie de mon âme chaque fois que je l’utilisais, elle effaçait mon incertitude et mes doutes.
Je fis glisser la dague hors de son fourreau, lentement. La lame brillait de reflets oranges et or, entourée d’une aura qui éclairait le tissu sombre de mon pantalon.
Je pris une grande inspiration, et effleura la lame, tout en gardant dans mon esprit la vérité que je voulais savoir.
Une douleur perçante me déchira le crâne. Je tins bon, serrant les dents, et j’eus soudain une vision.
Il y avait Emérence, plus jeune, pâle silhouette apeurée, appuyée sur un mur de pierre sombre. Il y avait deux petits garçons, réfugiés derrière elle, leurs petites mains potelées s’accrochant aux plis de sa robe. Leurs yeux verts brillaient de larmes qui coulaient sur leurs joues.
Devant eux, une grande silhouette, sombre, colérique.
Des cris.
« Alden et Aiden sont tes fils. Tu n’es plus là. Ils finiront comme toi, dans un cachot. Entends tes enfants qui hurlent leur mère. Ils hurleront dans leurs cachots, avec les rats et les bêtes, avec un bout de pain rassis tellement important qu’ils se tueront entre eux pour l’avoir. Voilà ce que tu as fait. »
Un autre garçon se tient derrière le père, plus grand que les autres, habillé de vêtements luxueux. Ses cheveux sont bruns, comme ceux de ses frères, mais ses yeux verts brillent de cruauté, d’une rage semblable à celle de son père.
Puis avec un claquement sinistre, la mère est jetée dans un cachot, ses enfants sont arrachés de ses bras, et leurs pleurs résonnent à travers le Château.
Et la vision se brouille, s’efface tandis que je revins à moi.
-Louvelo ? ça va ?
Alden me regardait, inquiet. Je secouai la tête, et m’éloigna de lui pour vomir dans un coin. J’essuyai la bile de mes lèvres tremblantes, et m’appuya contre le mur.
La douleur me vrillait le crâne, mais je savais maintenant tout ce dont j’avais besoin de savoir.
De mains tremblantes, je ramassai mon carnet, et inscrivit les nouvelles informations. Alden me regarda faire, sans un mot.
-Alden… je murmurai.
-Oui ?
-Ta mère… est… dans le château. Dans un cachot… et… ton père… Ton père, c’est le Château.
-Hein ?
Il me regardait maintenant, l’incompréhension se lisant dans ses yeux émeraude.
Je repris mon souffle.
-Alden. Ton père est celui qui contrôle tout ça.
Je fis un vaste mouvement de bras, enveloppant la pièce dans laquelle nous nous étions arrêtés pour dormir.
-Ton père… est le Château, l’être maléfique qui veut nous tuer depuis que nous sommes arrivés ici. Et tu as deux frères, Alden. L’un d’eux est prisonnier, quelque part, l’autre contrôle le château avec ton père.
Il me regardait, incrédule, furieux, presque.
-Et comment tu sais tout ça ?
-Ta mère… m’a parlé pendant mon sommeil. Nous a parlé. À tous les aventuriers du château. Elle veut de l’aide pour… combattre le château.
Il prit sa tête dans ses mains. Je pouvais voir des larmes couler sur son visage. Peut-être qu’il se rappelait de fragments de son passé obscur… Peut-être que la mémoire lui revenait un peu, juste assez pour se rappeler de l’horreur qu’il avait vécu.
-Je suis désolée… je murmurai, tandis que ses larmes tombaient sur le sol dur de pierre.