Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE LA GRANDE SOEUR PSYCHOPATHE
LA PIÈCE DE LA GRANDE SOEUR PSYCHOPATHE

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LA PIÈCE DE LA GRANDE SOEUR PSYCHOPATHE

rouge-gorge as rouge-gorge

La pièce suivante était… n’était pas… je ne sais pas ce qu’elle était, mais en tout cas elle était très étrange. Elle n’avait ni sol, ni plafond, ni mur, ni forme définie. Elle était entièrement constituée de filament de brume qui allaient du blanc au noir en passant par toutes les nuances de gris imaginables. Des images apparaissaient brièvement dans ce brouillard et disparaissaient tout aussi soudainement.
La terrible douleur qui brûlait ma jambe avait disparu. Ainsi que le poids du sac à dos et la faim qui me tenaillait le ventre. En fait, je ne ressentais plus rien du tout. Je baissais les yeux et vit que mon corps avait à présent la consistance de la fumée qui composait cette pièce, de même que celui d’Air.
-Je ne sais pas pour toi, mais en ce qui me concerne je crois que je préférais encore la pièce végétale. Cet endroit est bizarre, même pour le château, me murmura-t-elle.
-Impossible de retourner en arrière, lui répondis-je. Il faut absolument que je trouve quelque chose pour ma jambe, sinon je vais mourir.
-Je sais, je sais, mais là, je le sens vraiment pas ! En plus, cet endroit me dit quelque chose.
-Écoute, on a qu’à avancer et on verra ce qu’il se passera.
Nous n’avions pas fait un pas qu’une voix s’éleva à travers la salle.
-Bonsoir, fit la voix.
Elle était aiguë comme celle d’une jeune fille mais terriblement vieille.
-Soyez les bienvenues.
-Qui êtes vous ? dis-je.
-Je suis Neva, le première sœur, l’aînée des Trois.
-Montrez-vous ! cria Air d’une façon qui me parut assez grossière.
Une silhouette s’avança dans la brume. Elle semblait entièrement constituée de fumée, vêtue d’une longue robe sans bretelles, et des filaments s’enroulaient autour de ses mains. Son visage paraissait jeune dans la lumière trouble mais ses yeux gris étaient vieux, abominablement vieux.
Inconsciemment je reculait face à ce visage sans âge.
-Qui.. Qui êtes-vous ? répétais-je, mais cette fois en bredouillant.
-Je suis Neva, la première sœur, l’aînée des Trois, la Maîtresse de Destin.
-Maîtresse du Destin ? murmura Air. Vous voulez dire… que vous voyez l’avenir ?
-Quelle définition facile ! s’exclama Neva. Oui, on peut dire que je « vois l’avenir ». Je pourrais vous révéler tout ce qui va arriver, si vous mourrez dans ce Château, quelles pièces vous visiterez, quelles découvertes vous ferez… Je pourrais répondre à toutes vos questions, les plus banales et les plus profondes…
Elle nous adressa un grand sourire bienveillant qui me glaça jusqu’aux os. Air semblait tentée par sa proposition.
-Arrête, lui chuchotai-je, ça va te rendre folle !
Neva éclata de rire. Je ne pensais pas qu’elle m’avait entendue.
-Folle ! Folle ! Ah, c’est si drôle ! hurla-t-elle. Mais la folie n’est rien ! On s’y habitue très bien ! Tiens, je vais te montrer.
Les filaments de brume se saisirent de moi, s’infiltrèrent dans ma tête, me murmurant de terribles secrets à l’oreille. Dans cette pièce on ne pouvait rien ressentir sur le plan physique mais la souffrance était bien là, effaçant tout le reste. Tombant à genoux, je hurlai de toutes mes forces, tentant d’articuler des syllabes, des mots pour la supplier de cesser, mais en vain. Je ne voulais pas entendre, mais elle était trop forte.
Un cri retentit pour exprimer à voix haute la supplication qui résonnait dans ma tête.
-Arrêtez !
Je reconnus la voix d’Air. À ma grande surprise, les filaments de brume se retirèrent de ma tête.
-Oh, comme c’est touchant, ricana Neva. Peut-être veux-tu prendre sa place ?
-Non. Cessez de jouer avec vos pouvoirs sur nous.
-Et tu crois, beugla la folle, que tu peux me contraindre à quoi que ce soit, misérable esprit sans envergure ?
-Oui, répondit Air sans se départir de son calme. Je me souviens à présent qui vous êtes. La sœur du futur, celle qui voit l’avenir et décide de la mort. La plus dangereuse des Trois. Or selon les lois anciennes, vous ne pouvez désobéir à un ordre direct. Il en a été décidé ainsi pour limiter votre pouvoir.
-Zut, bougonna la femme.
-Dites, intervins-je, qui sont ces Trois dont on n’arrête pas de parler ?
Bizarrement, ce fut Neva qui répondit.
-Les Trois sont les trois sœurs sur Temps et de la Vie. Je suis l’aînée, celle du futur, car j’apparus en même temps que l’univers qui eut un avenir dès les premiers instants de son existence.
-Un peu comme les Parques, en fait.
Quand Neva fila à toute vitesse vers ce qui tenait lieu de plafond, je pris conscience d’avoir fait encore une bourde.
-Les Parques ! Les Parques ne sont qu’une pâle imitation de notre incommensurable pouvoir !
-C’est bon, c’est bon, j’ai compris.
-Montrez-nous le chemin vers la sortie, ordonna Air.
Les brumes s’écartèrent et découvrir un rideau de velours.
-Allez chez ma sœur, la première. Elle vous aidera, dit Neva d’un air défait. Vous ne la trouverez pas tout de suite, mais quand tout vous semblera perdu, elle sera là.
Je n’arrivais pas à croire que nous pouvions enfin partir, et avec des conseils, en plus ! Air vola à toute vitesse vers la porte, pressée de quitter ce endroit que, je compris, elle détestait, mais je m’attardai quelques secondes. J’étais surprise de voir à quel point Neva paraissait triste. Elle avait perdu.
-Vous savez, je ne vous en veux pas, dis-je.
Elle parut tellement surprise que c’en était drôle.
J’écartais les pans du rideau en me demandant si ce regard gris emplis de désespoir me quitterait un jour.

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