Enfant des mers as Enfant des mers
Il y eu un immense tremblement. Puis un coup de tonnerre résonna dans la nuit. Je levai les yeux au plafond, et remarquai les lueurs bleues-grises répandus tout le long du toit. J’observai la pièce. Elle était immense. Presque 10 mètres de hauteur et le double en largeur, avec des murs beige et le sol pavé de pierres grises. La salle était composée de deux étages : le premier, où je me tenais, étais rond, avec des colonnes circulaires qui soutenaient un balcon intérieur comme on voit dans les salles de théâtre seulement sans les sièges et en deux fois plus grand ; des statues rondes et grosses, imposantes dans leur laideur ; quelques étagères où reposai des plats à l’odeur alléchante organisées en arc de cercle à l’intérieur de la pièce, des centaines de tabourets et de chaises rondes positionnés autour de tables rondes ; des plateaux ovales ainsi que leurs assiettes assorties, les pichets et les verres un cylindre arrondi parfait… Le tout ressemblait à une immense cafétéria.
Un deuxième tremblement suivi d’un autre coup de tonnerre retentit dans la salle et j’eu à peine le temps de me décaler avant que des dizaines de jeunes gens arrivent en courant et se jettent sur le self –car s’en était bien un. Je fus à moitié écrasée par les dizaines d’elfes aux oreilles pointues et aux longs cheveux pour la plupart attachés en une tresse qui leur tombait à la taille, de fées miniatures (ou de taille humaine) aux ailes transparentes, colorés ou grises, de nains –sûrement des cousins éloignés du PGN–, de fantômes et d’Esprits, de lilliputiens, de garous (chats, loup, chiens, oiseaux, etc.), de gnomes… Tous se dirigeaient vers le self, se bousculant les uns les autres dans leur hâte. Je les voyais se saisir d’un plateau, prendre un plat chaud (voir deux), une entrée, du pain, un dessert et quelques fruits puis courir s’assoir à une des centaines de tables. Ils étaient assez rares à se regrouper par race : je pus observer un nain discuter passionnément des vertus des saucisses marseillaises contre les andouilles de Guémené avec une jolie fée (l’andouille gagnera à tous les coups, elles sont bien meilleures), un elfe et un loup-garou se chamailler gentiment, se traitant de chiens et de fillettes (ah! l’amour…) tandis que plus loin quelques gnomes bleus et deux jeunes sorcières, reconnaissables à leur chapeau pointu, se frayaient un passage entre d’innombrables personnages. J’entendais des magiciens se jeter des sorts d’un bout à l’autre de la salle, les nains qui s’interpellaient, le doux bourdonnement d’ailes, le ricanement incessant de Grincheux, le chant mélodieux des sirènes dans leurs bulles d’eau, le souffle d’un dragon contre ma nuque et le… Hein ? Je me retournais vivement. Un dragon, haut de plus de deux mètre, se tenait derrière moi, dressé sur ses pattes arrière. Ses narines laissaient échapper des filaments de fumée. Son corps reptilien était recouvert d’écailles dont le couleur me rappelait l’eau turquoise des mers de mon enfance, celles que je survolais avec mes parents et ma famille étant petite. Il avait replié ses deux immenses ailes, qui partaient de ses épaules, là où les deux os forment un creux dans le dos. Elles l’entouraient tel le cocon entourent la chrysalide avant sa naissance sous forme de papillon. Mais, plus que sa taille et sa beauté, se fût la puissance de son aura qui m’attira. Je m’inclinai pour manifester mon respect envers les créatures de l’Ancien Monde, comme m’avais appris mes aînés, car je le connaissais : c’était Kilgara, une vieille ami à mon père.
–Bienvenu à tous, nobles aventuriers, explorateurs, étudiants et résidents du château. J’espère que vous êtes tous bien installé. Dans quelques instants, vous pourrez aller consulter le tableau et les résultats, mais avant cela, je souhaiterai vous rappeler quelques règles : premièrement, le SILENCE est demandé partout dans l’établissement, et je vous serai gré de le respecter en ma présence ! Deuxièmement, merci de bien nettoyer vos tables après avoir mangé ! Les aides de ménages ont encore retrouvés des papiers qui trainaient au sol hier : on se croirait dans une porcherie ! Et troisièmement, la règle la plus élémentaire de toutes, SOYEZ POLIS LES UNS ENVERS LES AUTRES !!! Cette institution existe depuis plus de deux mille cinquante-sept ans grâce à la collaboration et à l’entente des différents représentants de toutes les races ici présentes, alors je vous prierai de vous montrer digne de vos ancêtres et de ne pas avoir à les humilier en vous faisant renvoyer ! Tout le monde a compris ? Alors merci et bon appétit à tous !
– Bon appétit Dragonne !
–Urmm. Voilà qui est mieux. (Se tournant vers moi.) Ton nom, je te pris ?
–Enfant des mers, Dragonne.
–Enfant des mers ? La fille de Dana ? Comment va le fils de Borvo ?
Et me*de. Elle m’a reconnu. Espérons qu’elle n’en dise pas trop, bavarde comme elle est.
–Il est mort à cinquante ans.
–Oh. Mes condoléances, je ne savais pas. Je vis dans ce château depuis si longtemps, tu sais, que je ne sais plus ce qui se passe en dehors.
–J’imagine bien. Cela fait à peine quelques jours que j’arpente les murs de ce Château mais je n’ai plus aucune nouvelle de dehors.
–Est-ce que César a gagné contre Vercingétorix ?
Je ris. J’avais oublié que Kilgara était si âgée.
–Oui, et il s’est passé bien des choses depuis. Le petit peuple a été oublié : toutes les traces de notre existence ont été effacées de la mémoire des Hommes. Nous ne sommes présents que dans leurs vielles légendes, maintenant, informais-je avec tristesse, et ceux qui ont réussi à survivre sont très peu nombreux. Notre héritage survit tant bien que mal dans le folklore de certaines régions, mais nous disparaissons peu à peu de la Vielle Europe. Nous ne sommes même plus dignes de faire peur aux jeunes humains !
–QUOI ? tonna la Dragonne. Ils n’ont plus peur de nous ? Mais qu’est-ce que vous avez fait pendent mon absence ?
Rien. Ou plutôt tout ce qui était en notre pouvoir, mais ça n’a pas suffi.
–Je vais leur apprendre, moi ! Dès que je sortirai de ce château, je vais leur montrer ce que c’est d’avoir peur !
Ah oui ? Et comment ? Tu es enfermée dans ce château pendant encore bien des années, et tu penses pouvoir en sortir demain ? Moi pas ! E de toutes façon, elle se ferait attraper en moins de deux, avec tous les avions et les nouvelles tech…
–Ahhh ! Ma tête ! Qu’est-ce que…
« Aventuriers, aventurières. Je suis de ces magiciennes qui connaissent le monde des rêves. Je suis de ces femmes qui combattent. Je suis comme vous. On dit souvent qu’il faut être solidaire, et je viens pour cela. Je suis Emerence, ex-dame du Château. Oui, du Château. Si vous étiez vivants, vous me foudroyez sur place. Mais vous êtes dans le monde des rêves, et c’est moi qui vous ai amenée ici. Vous êtes des aventuriers aguerris, combattants, sans faiblesses, vous combattez tout les jours notre monstre commun. Le Château. Oui, je dis le notre, car je suis avec vous. Le Château n’est pas qu’un ennemi. C’est la personne qui m’a pris mes fils, qui m’a fais mourir le cœur. Le Château est pour moi que haine, une haine brûlante. Si je le pouvais, je l’entrainerais avec moi dans ma mort, j’irai le combattre seule. Mais je ne peux. Je sais que parmi vous se cachent des magiciens, maitre d’armes, de magie noire, d’animaux fantastiques. Je suis coincée dans cette tourelle au 83 ème étage, la porte auburn, tout au nord. Vous entendrez sans doute mes cris. Pourquoi vous appelle-je ? Parce que je veux combattre notre terreur, cette suprématie, ce monstre, cet homme redoutable, qui n’a causé que tort. J’ai besoin de vous, de votre cœur, de vos vies, de votre passion, de votre combat. Alors, venez, pour la pièce 1000, me rejoindre, je vous en supplie. Et que les lâches, s’ils ne viennent pas, regretteront amèrement leurs refus… »
Oui, eh ben ce serai sympa de ne pas nous donner un mal de tête infernal en nous contactant, c’est toujours apprécié ! N’empêche. Un deuxième regroupement d’explorateurs qui veulent se battre contre le Château ? Intéressant ! Et puis elle pourrait nous apprendre plein de choses sur le Château.
–C’est où la tourelle Nord du 83ème étage ?
–Sûrement au nord du château, au 83e étage, pourquoi ?
–Non, pour rien. C’était un plaisir de te revoir, Dragonne. À bientôt !
Et je m’enfuis avant qu’elle est pu dire un mot, laissant la cafétéria bondée et une Dragonne étonnée derrière moi.