le petit grand nain as Le petit grand nain (JBlogueur/Château)
– RECULE ! vociféra le Maître des Robots. On n’a aucune idée de ce qu’il y a derrière, mais ça ne fait aucun doute qu’ils sont nombreux là-dedans, et que notre adversaire de tout à l’heure y est aussi. Alors un peu de prudence.
Vic recula un peu, visiblement impatient. Mais il semblait que le Maître des Robots avait raison… Une brume menaçante sortit de la porte ouverte.
– Je détecte une magie impressionnante là-dedans… Mais je ne saurais pas dire si elle est bénéfique ou maléfique.
– Elle n’est pas agressive, décréta Vic.
Au même moment surgirent plusieurs silhouettes de la fumée. La confusion fut immédiate et totale, et des cliquetis métalliques se firent tout de suite entendre. J’aperçus tout d’abord des sortilèges assez puissant venants d’un des personnages, mais le Maître des Robots les déviait sans aucun mal. Une autre personne se battait avec une arme blanche que je n’arrivais pas à identifier, mais qui semblait particulièrement efficace, d’autant que la personne était très agile. Le dernier personnage, lui, était totalement invisible. Je l’entrapercevais de temps en temps, mais rien de plus.
En plein cœur de la bataille, ma hache à la main, je sentis une présence derrière moi. Je me tournai juste à temps pour voir une gigantesque épée s’abattre sur ma hache, qui décolla. Il y eut un temps d’arrêt, où nous restâmes face l’un à l’autre.
L’épée était dorée.
– LA PIECE ! s’écria Vic, qui avait vu la même chose que moi. Cette épée est la vôtre !
– Vous… Vous êtes le nain et l’aventurier ? fit une voix féminine.
– Je suis le nain, l’aventurier n’est pas là, répondis-je.
Vic, qui venait d’assister à l’échange, fit signe au Maître des Robots de nous regarder. Le Maître comprit immédiatement ce qui se passait, et s’agenouilla. Il toucha de ses mains le sol, et un violent souffle balaya toute la brume.
– Arrêtez ! dit la fille qui se battait si bien. Ce sont les personnes que j’avais vu quand j’avais récupéré la pièce-épée… Je pense qu’ils sont de notre côté.
– Je pense aussi, dis-je. Mais la pièce-épée nous revient, je pense.
– D’accord, acquiesça la guerrière.
Et elle me donna l’épée. Dès que sa main la lâcha, l’arme redevint une simple pièce.
– Alors, je pense que l’on a beaucoup de choses à se raconter… fit celui qui devait être un magicien. Vous luttez aussi contre le Château, non ? Et où sommes-nous ?
– Ça risque d’être un peu long, répondit le Maître des Robots. On va procéder par ordre. Déjà, le Château est mon plus grand ennemi depuis très longtemps, il est aussi celui de Vic (l’intéressé leva la main) et des deux aventuriers ici présents. Les dragons sont eux aussi avec nous, et présentent quelques particularités très utiles. (Les dragons redevinrent aigles, puis revinrent au stade de dragon.) Je pense que nous aurons du temps plus tard pour vous expliquer la majorité de ce qu’on a à dire, mais je ne garantis rien.
– Je suppose que c’est à nous de nous expliquer… dit la fille. Nous sommes trois aventuriers qui explorons le Château ensemble, encore que l’une d’entre nous n’ait pas vraiment le statut d’aventurier, puisqu’il s’agit d’une ombre…
La personne en question s’approcha. Elle portait les cheveux courts, et avait le corps d’un gris sombre. Ses yeux dégageaient une aura particulière, comme s’ils avaient vu dans chaque journée de son existence plus que moi dans toute la mienne.
– Effectivement, dit-elle. Ce qui me donne certains…
« Pouvoirs », termina-t-elle par télépathie.
– Que… hoquetai-je. Comment faites-vous ça ?
« C’est un don. Il faut bien qu’il y ait des avantages à être une ombre… »
Tout le monde se regarda, stupéfait.
– Je suis pour ma part un magicien, enchaîna le garçon. Je maîtrise la majorité des sorts élémentaires, et plusieurs sorts plus complexes, comme celui qui nous a conduit ici.
– Vous ne pouvez pas avoir téléporté vos deux amies et vous tout seul, remarqua le Maître des Robots. Un sortilège déjà installé ? Cela expliquerait la présence de la brume…
Le magicien regarda vers le Maître, impressionné.
– Effectivement. Nous ne savons pas qui a mis le sortilège, en revanche.
– Et quels sont vos noms ? interrogea Vic.
– Je me nomme Jad, dit le magicien.
– Je n’ai pas de nom, dit l’ombre. Je suis l’Ombre.
– Je m’appelle… Analayann, dit la troisième après un temps d’hésitation.
– Ou l’Oublieuse, dit l’Ombre.
– D’accord, dis-je.
– Nous nous raconterons tout plus en détails plus tard, nous pressa le Maître. Il y a des choses importantes qui se déroulent en ce moment.
Nous acquiesçâmes tous, moi avec sans doute plus de ferveur, repensant à Un gars et le petit nain de grand, aux prises avec des adversaires sans doute bien plus puissants qu’eux.
Avec plus de prudence cette fois, Vic ouvrit la porte. Le Maître jeta un coup d’œil et Jad un sortilège de reconnaissance. Ni l’un ni l’autre ne donnèrent de résultat.
Nous entrâmes tous dans la pièce, et je reconnus cet endroit où j’avais été jeté à terre par la puissance du GDIR n°1. La salle était vide. L’Ombre traversa la pièce, tandis que Vic et Jad observaient les recoins de la pièce. Rien ne laissait penser qu’il s’y était passé quoi que ce soit.
– C’est étrange… dit le Maître. J’aurais pensé que la bataille se déroulerait ici, pourtant il n’y a pas de magiciens ni même de créatures ici, cela se sent, et surtout pas l’inconnu.
– J’ai trouvé quelque chose, je crois, dit Analayann. Je… AAAH !
Vic et Jad décollèrent en même temps et se précipitèrent vers l’intéressée. Leur visage changea de couleur.
– Qu’y a-t-il ? demandai-je, à moitié rassuré.
La main devant la bouche, l’Oublieuse pointa du doigt un coin de la salle. Une petite fenêtre, visiblement taillée récemment, débouchait sur une grande salle éclairée par la lumière du jour pointant de l’autre côté.
Les cadavres empilés, certains démembrés, la majorité aux traces visibles de brûlures et de sortilèges multiples sur tout le corps, semblaient tous nous reprocher le temps que nous avions mis à arriver. Je reconnus des dizaines de gobelin, comme ceux qui escortaient le GDIR ce fameux jour, des hommes de main du Château, et même quelques créatures qu’en d’autres circonstances j’aurais aimé rencontrer. Même un ondin… Le carnage avait été total.
– Comment… hoqueta Jad. C’est impossible ! Ils sont arrivés avant nous, c’est ça ?
– Ça ne fait aucun doute, mais… Beaucoup trop de choses ne concordent pas. Déjà, pourquoi cet ondin ? Le Château aurait sûrement envoyé un ondin, mais se serait débrouillé pour ne pas le laisser mourir…
– Pourquoi ? questionna Analayann, encore pâle. Qu’a-t-il de si exceptionnel ?
– Un ondin est une créature très rare, et d’une intelligence incroyable, dotée en plus d’une adresse remarquable au maniement des armes. Ils sont capables d’anticiper les coups de certains ennemis assez faibles en combat, et n’ont aucun mal à devancer toute action particulière et inventive. Et quand je dis qu’ils sont rares… Je n’en ai vu que trois dans les sept cent dernières années. »
Je décidai de ne pas relever le chiffre.
– Ce qui signifie que le Château est venu ici dans le but de gagner, et étant donné le peu de défenses que nous avions ici, il est impensable qu’il n’ait pas réussi.
– Et pourtant… dit Jad.
– Ce ne peut être une mise en scène, appuya Vic.
– Je sais, répondit le Maître. Si c’est ce que je pense, alors c’est à la fois bien pour nous et extrêmement mauvais. Je pense pour ma part que cet être, qui a tenté de vous tuer avant de disparaître entre la trappe que vous avez pris et mon domicile, a trouvé un moyen de passer dans cette dimension. Il a ensuite pris la direction de cette tour, où il a massacré les défenseurs qui n’étaient pas encore assez forts et a récupéré la fameuses armure, avec laquelle il s’est débarrassé de toutes les troupes du Château venues envahir l’endroit. Ensuite… Il a dû sortir, voulant éliminer tous ses ennemis, dispersés dans l’immensité de la pièce de cette dimension par rapport à la vraie. Il a sans doute commencé, mais… Par qui aurait-il commencé, à votre avis ?
– Il aurait commencé par les plus faibles, dit Vic, réfléchissant au fur et à mesure. Il aurait tué les plus faibles en exposant bien ses crimes, pour faire venir les plus puissants.
– Et si ce n’était pas le GDIR n°2, continuai-je, puisqu’il a survécu, qui aurait-il…
– Le grand petit nain ! s’exclama le Maître.
– Vite, criai-je en me dirigeant vers la sortie. Si il a dû affronter le grand petit nain, que l’on a vu il n’y a pas si longtemps, alors il y est peut-être encore !
– Attends, me freina Vic. Tout cela est logique, mais rien ne dit qu’on connaît tous les puissants soldats du Château.
– Nous les connaissons, intervint le Maître des Robots. Nous étions même au courant qu’il avait à son service au moins deux ondins, et l’autre est mort sous mes yeux face à un golem de lave. Là n’est pas le problème… On l’a revu environ deux heures après avoir croisé le grand petit nain. Or celui-ci n’a pas particulièrement le souci de la discrétion… Je pense qu’il a eu le temps de tuer le grand petit nain. Une fois convaincu de sa puissance, il a voulu se mesurer à des adversaires plus dangereux. Mais quand il est venu vers nous, il n’a pas osé nous attaquer…
– …Parce qu’il n’avait plus son armure, compléta Vic. Seulement, qui est capable de se mesurer à lui dans son armure et de lui retirer ?
– Ce n’est pas notre groupe, et je ne pense pas que ce soit quelqu’un de notre côté… dis-je. Il n’y a que les deux Maîtres et Robin des Bois dont la puissance soit significative, mais pas assez, je pense. Reste qui, dans le camp ennemi ?
– Personne, répondit Vic. Personne sauf… Non…
– Si, dit le Maître. Tout cela se tient. Le Château a affronté le mystérieux soldat et l’a délesté de son armure, mais n’a sans doute pas pu le tuer, trop affaibli.
– Ou alors l’ennemi s’est entouré de sorts de protection, ce qui signifierait que ce serait difficile pour nous aussi de le tuer, malgré l’absence de son armure.
Un raclement de gorge se fit entendre.
– Je n’ai pas très bien compris, fit Analayann. Quelle est cette personne dont vous parlez ?
– Il s’agit de quelqu’un de très fort, très cruel et très effrayant. Il maîtrise des sorts très puissants, et se bat aussi très adroitement au corps-à-corps, grâce à deux lames gigantesques qui…
– Qui sortent des coudes ? demanda l’Oublieuse.
– Oui… Comment savez-vous ?…
– Eh bien… Juste avant d’arriver ici par la brume, j’ai eu quelques problèmes… Entre autres, des évanouissements et des visions assez longues. Et dans ces visions… J’ai vu ce personnage. Je l’ai vu détruire tout une ville sous mes yeux, en parlant de vengeance et en éventrant des villageois.
– C’est bien lui, acquiesçai-je. Cette scène a véritablement eu lieu.
– Tu ne nous en a pas parlé, dit Jad en fronçant les sourcils.
– J’en ignorais la signification, répondit-elle.
« C’est un avertissement, fit la voix de l’Ombre dans nos têtes. La personne qui nous a envoyé ici nous veut du bien, et si elle t’a montré des visions de ce type, c’est qu’elle veut nous prévenir. »
– Nous devons y aller au plus vite, décida le Maître. Il a peut-être décidé de s’en prendre à Un gars et au petit nain de grand, même si c’est un choix qui serait assez illogique puisque le petit nain de grand possède des pouvoirs remarquables. »