Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE FOURRE-TOUT
LA PIÈCE FOURRE-TOUT

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LA PIÈCE FOURRE-TOUT

la p’tite moustache as la p’tite moustache

J’entre dans la pièce suivante avec précaution. La pièce horloge m’a apprise à être sur mes gardes, que l’on ne peut pas prévoir à l’avance ce que va nous infliger le Château. Celle-ci ne présente pas de danger apparent mais je ne me laisse pas berner, pas cette fois !
La salle est très spacieuse, avec un plafond haut mais elle est entièrement remplie d’objets en tout genre, entreposés en vrac, en pyramides gigantesques. Elles sont composés d’affaires empilés les unes sur les autres, affaires allant du ballon de baudruche au lustre en cristal, en passant par une vieille armoire, une épée du Moyen-âge, un jeu de fléchettes et un bocal à poisson rouge.
Mais mis à part les pyramides d’objets formant presque un labyrinthe, ce qui m’attire le plus ce sont ses grandes baies vitrées qui remplissent tout le mur. Je me rue vers cette source de lumière avec avidité, cela faisait si longtemps que je n’avais pas vu la lumière du jour ! Quelle m’avait manquée ! Je savoure, non je dévore des yeux le paysage s’offrant à ma vue. Des arbres, de l’herbe, le soleil…
Hélas, un léger détail vient troubler mon instant de bonheur : il n’y a aucune ouverture, ces fenêtres sont closes ! De dépit, je me laisse glisser au sol. A quoi bon !
– Agaçant n’est ce pas ?

Je sursaute. La voix vient de derrière un gros coffre en bois. Deux yeux noisette me fixent avec malice. Un sourire apparaît, deux rangées de dents blanches.
C’est une jeune fille, un peu plus vieille que moi qui me fait face. Elle est grande, mince et à la carrure agile. Nous nous regardons avec curiosité. J’envie tout de suite chez elle sa chevelure frisée, exactement comme je rêve d’en avoir… Mais moi, je dois me contenter de mes cheveux raides. Elle porte un tee-shirt AC/DC et un short qui me permet de remarquer à quel point ses longues jambes sont couvertes de bleus. Comme si elle avait l’habitude de courir. Ses mains sont abîmés et une égratignure lui barre le front.
Je note tous ces détails en une poignée de secondes. La fille s’avance vers moi et me serre la main timidement. Je grimace à cause de mes brûlures. Elle s’excuse, affolée :
– Oh je suis vraiment désolée, je suis stupide ! Attends, je dois avoir quelque chose pour ça dans mon sac.
Elle fouille dans sa sacoche posée à terre. Elle en sort une petite boite ronde soigneusement emballée.
– Tiens ! Me dit-elle en me la passant, je l’ai volé dans l’espèce d’infirmerie où je me suis retrouvée. Apparemment, ça calme la douleur. Essaies, cela vaut mieux que rien…
J’ouvre la boite. C’est un pot de crème qui sent la fraise. Bon, après tout, pourquoi pas ? Je m’en applique délicatement sur la main gauche. Quel soulagement ! La douleur se fait moins forte.
– Waou… C’est… Merci, je bredouille.
Je me dépêche de soigner mes autres brûlures. Il était temps : la peau est toute rouge, gonflée et couverte de cloques. La fille me regarde.
– Ça va mieux ? Me demandes-t-elle
– Oui… Merci, vraiment.
Elle me souri.
– Moi, c’est Garrette.
– Orianne.
– Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse de te rencontrer ! J’en avais ras-le bol d’être toute seule… continue-t-elle. Tu viens ? Je vais te montrer ce que j’ai découvert dans cette salle ! On est toutes les deux dans le même bateau, autant s’entraider non ?
J’acquiesce. Je ne suis pas contre l’idée d’avoir de la compagnie mais quelque chose me chiffonne chez Garette. Je ne sais pas si c’est le fait qu’elle me fasse directement confiance, ou son sourire trop franc ou bien autre chose…
Mais je la suis tout de même, clopin-clopant à travers les montagnes d’objets.
« Pouvons-nous lui faire confiance ? » s’interroge ma petite voix.
Je hausse les épaules.
« Rappelles toi que tu as tendance à ne jamais te méfier des gens… »
« Je sais ! Mais, tu vois je viens de vivre les pires heures de ma vie alors je ne suis pas contre sa présence ! Surtout que je ne vois pas ce qu’elle a de suspect. »
« Là est le problème ! C’est peut être un piège du Château, qu’es ce que tu en sais ? Il veut ta mort je te dis ! » ajoute t-elle excédée.
« Et alors ? Peut qu’elle aussi est en danger ! Je ne vais pas la laisser tomber, ça c’est sûr ! »
« Fais tout de même attention… » me glisse-t-elle tandis qu’au bout du couloir, Garette m’appelle.
« Sois gentille et fiche moi la paix. Je te promets de rester sur mes gardes. »

Garette me fait visiter toute la pièce, les différentes allées. Devant une grosse pyramide, elle m’explique que ce matin, une trappe s’est ouverte du plafond pour lâcher une multitude d’objets qui se sont retrouvés ici.
– Je pense, m’avoue-t-elle, que tous ses objets empilés ici sont… sont issus des pièces du Château. Que tout se retrouve ici en fin de compte, dans cette grande pièce centrale…
– C’est plausible… Mais tout de même, comment veux-tu…
Soudain, je remarque un objet qui m’emplis d’effroi, juste sous mes yeux.
Au milieu du bric à brac d’objets, je reconnais le pendule qui se trouvait dans la pièce horloge. Il est cassé, tordu, mais c’est bien lui.
– Cet… Ce balancier était dans la pièce d’où je viens !
– Ah oui ? S’étonne Garette.
Je réfléchit à toute vitesse, et une idée me viens :
– Oui ! Ce qui veut dire que les objets entassés ici sont issus des pièces déjà explorés du Château ! Car celui-ci est vivant, tu n’as pas remarqué ?
– Si ! Il bouge et se transforme… Il doit sûrement créer de nouvelles pièces à chaque fois ! S’écrit-elle.
– Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas aller dans une pièce déjà explorée par quelqu’un d’autre ! Ni revenir sur nos pas ! Complétais-je

Elle me sourit. Je lui rend son sourire. Quoiqu’en dise ma petite voix, j’apprécie de plus en plus sa présence. Elle me montre le coin qu’elle s’est aménagée sous une pile de tables. Avec un vieux matelas défoncé et une couverture, elle a fabriqué un lit. Elle a même récupéré une ampoule poussiéreuse et après avoir ajouté quelques câbles, nous voilà avec de l’électricité !
Je reste admirative devant tant d’adresse. Cet endroit pourrait presque être douillet à présent ! Je me laisse tomber sur le lit, épuisée. Je soupire :
– Parfait… Il nous faudrait juste un peu de nourriture, sans quoi nous allons mourir de faim !
– Oh ! Pour cela pas de problème ! Répond-elle rayonnante. Attends moi deux secondes !
Garette disparaît derrière un lavabo cassé. Où est-elle allée ? Elle revient juste après, une cage de souris blanches dans la main.
– Tadam !
Je fronce le nez, dégoûtée :
– Quoi ? Tu ne veux quand même pas que l’on mange des… souris ! J’articule ce mot avec peine.
Mais elle éclate de rire :
– Mais non ! Tu le fais exprès ou quoi ? Regardes.
Garette attrape une souris blanche avec délicatesse. Celle-ci se débat dans sa main mais elle ne lâche pas. Elle fronce les sourcils, ses yeux se plissent et une ride lui barre le front. Concentrée c’est sûr. Et, d’un coup, avec un petit « plop », la souris se change en tomate. Oui, vous avez bien lu, en tomate. Je reste ébahie.
– Allez décrispe-toi ! Pouffe-t-elle. Si tu voyais ta tête ! Tu avais faim non ? ajoute-t-elle en me mettant la tomate dans la main.
Décidément, cette fille m’étonne de plus en plus. Après ce dîner composé uniquement de légumes, nous sommes pratiquement amies elle et moi. Malgré les mises en garde de ma petite voix, je lui ai raconté mon aventure, depuis ma fugue jusqu’à notre rencontre. L’homme étrange de la pièce horloge semble l’intriguer. Son visage se ferme. Nous craignons toutes les deux qu’il revienne… Mais, l’union fait la force et je me sens rassurée par sa compagnie.
Je finis par m’endormir sur le vieux matelas, Garette à mes côtés. Je lui fait entièrement confiance.

Je suis réveillée par la lumière du jour. Je me redresse. Garette s’affaire déjà. Dans un gros sac à dos, elle fourre tout ce qui peut nous être utile : des vêtements de rechange, un couteau, une lampe torche… Je me lève et la rejoins. Elle m’explique vite le plan qu’elle a eu dans la nuit.
Ramasser dans cette pièce tous les objets pouvant nous servir dans le futur puis trouver la sortie jusqu’ici invisible. Ce qui correspond à notre problème majeur.
Pendant l’heure qui suit, je fouille, je cherche, j’entasse et je jette… A la fin, notre butin s’élève à : deux gros sacs, une lampe, deux couteaux, la crème anti-douleur, une série de bandages, une gourde (hélas vide), deux sacs de couchages, un appareil photo (Garette trouvait cela inutile mais j’ai insisté), des provisions de nourriture (de légumes en fait), des chaussures de marche, un carnet avec un stylo et une corde.
Il restait pleins d’affaires que je souhaitais prendre mais Garette a refusé, disant qu’il n’y avait pas assez de place. Il se trouve qu’elle a tout à fait raison. Mon sac à dos pèse sur mes épaules.
Nous commençons notre expédition, à la recherche de la sortie. Au fur et à mesure, ma gorge se fait de plus en plus sèche… L’eau se fait désirer.

Durant toute la matinée, nous cherchons. La pièce a une sortie, c’est obligé ! Garette n’abandonne pas, cherche avec toujours autant d’entrain. Gagnée par le désespoir, je m’assoie sur un vieux coffre. Mon amie n’a pas le courage de me forcer à continuer. Il faut bien avouer notre défaite. Elle se laisse tomber à terre.
Mélancolique, je parcoure du doigt les vieilles inscriptions marqués sur le coffre. Soudain, mon cœur s’arrête. Une exclamation étouffée m’échappe.
– Qu’y-a-t-il ? Demande Garette.
Je bafouille :
– Là…. cette inscription…
Je lui montre du doigt les mots : Η έξοδος είναι εδώ . Cela veut dire « la sortie est ici » en grec. Je le sais, j’apprends le grec au Collège.
Je soulève le couvercle, les mains tremblantes. Il n’y a pas de fond. Sous le coffre, se cache une énorme trappe. Je me penche sur le rebord.
– Viens vite voir ! C’est sûrement par là !
Elle arrive, scrute le fond avec la lampe torche.
– C’est trop profond pour y voir quelque chose. Descendons à la corde !
Ni une ni deux, nous la déroulons dans le trou. Je l’attache à la poignée du coffre. Celui-ci est solidement encré dans le sol. Il doit pouvoir supporter notre poids.
Avec une légère appréhension, je descend la première. Je me laisse glisser le long de la corde, dans le noir. Je veille à poser mes mains et mes pieds au bon endroit et surtout, à ne pas lâcher. La corde me fait mal mais je ne suis toujours pas arrivée. Est-elle assez longue ? Ou vais-je me retrouver suspendue dans le vide ?
Enfin, après une éternité, mes pieds touchent enfin le sol. Je ne vois rien autour de moi. J’appelle cependant Garette pour qu’elle vienne me rejoindre.

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