Miss Lovegood as Miss Lovegood
Autour de moi, tout était blanc. Normal, nous étions dans un nuage. Je continuai de grimper sur le flanc de la montagne, jusqu’à ce que je sortisse enfin de cet amas de fumée blanche. Je montai de quelques mètres encore, pour arriver au-dessus des nuages. Ils formaient une couche épaisse et compacte, sur laquelle on pouvait sans doute marcher. Poussière d’étoiles essaya la première. Ce qui en résulta était fort étrange. J’avais l’impression qu’elle flottait sur le nuage. Je la rejoignis.
-On se croirait au paradis, me dit mon amie. Enfin, c’est ce que je m’imaginais quand j’étais petite, que nous étions des anges qui volons sur des nuages.
-Regarde ! m’écriai-je, lève les yeux !
-Ça alors, c’est le monde à l’envers ici ! Le sol est constitué de nuages et le plafond d’herbe !
En effet, il y avait bien des fleurs et de la pelouse au-dessus de notre tête. Je remarquai un autre détail insolite. Les cheveux de Poussière d’étoiles tombaient vers le bas –ou vers le haut, tout dépend du sens dans lequel vous imaginez la pièce. Je n’eu pas le temps de lui annoncer car mes pieds se décollèrent du sol juste à ce moment-là.
-AH !!!!!
Je tombais vers la pelouse. Les fleurs se rapprochaient de moi à une vitesse alarmante. J’avais peur de rentrer sous terre. (Plus on chute vite, plus on a de chances de ne pas s’arrêter au niveau 0 lorsqu’on est un esprit.) Heureusement pour moi, il n’en fut rien. Je me relevai et regardai Poussière d’étoiles qui, selon moi, était désormais accrochée au plafond.
-Bonjour bonjour, petit étranger ! déclara une voix grave
Je me retournai. Un monsieur assez potelé, possédant une immense barbe et de gigantesques pieds s’approchait de moi.
-Je suis Alfred, le directeur de cette pièce ! Auparavant, je travaillais dans une société américaine qui organisait des voyages sur la Lune et sur Mars. Je fus donc familiarisé très tôt avec la gravité. Avant, j’étais un explorateur, coincé dans ce château par hasard. J’aimais bien explorer des pièces, mais j’ai préféré rester ici, pour m’occuper de cette gravité étrange ! Pendant de longues années, je me suis employé à construire un laboratoire d’expériences, qui ne manquent pas ici ! Les scientifiques de la Terre seraient enchantés de visiter ce drôle d’endroit ! Et vous, vous vous appelez comment ?
Il me déballa tout cela à une vitesse surprenante. On aurait dit qu’il avait appris son texte par cœur.
-Je m’appelle Esprit et mon amie Poussière d’étoiles. A ce propos, vous pourriez la décoller du plafond ? Elle serait ravie de faire votre connaissance, et puis, son sang a dû remonter jusqu’au cerveau maintenant.
-Pas de problème, répondit-il en se dirigeant vers son laboratoire d’où il était sorti quelques minutes plus tôt. Son immense bâtisse était construite en bois et penchait vers la droite. Toutes sortes d’instruments étranges (tuyaux, ballons de baudruche, entonnoir, drapeaux, jumelles, télescopes…) étaient suspendus aux murs extérieurs. Je rentrai dans son laboratoire, à sa suite. L’intérieur était très désordonné, entre carton et objets étranges. Il y avait également une série incroyable de caméras, dont une qui filmait Poussière d’étoiles.
-Grâce à ce matériel informatique, je peux contrôler toute la pièce depuis mon labo. Génial non ? m’expliqua-t-il
Il appuya sur un gros bouton rouge. Je vis sur les écrans mon amie tomber vers la pelouse. Elle hurlait. Je sortis de la maison pour la retrouver. Il ne lui était rien arrivée, fort heureusement. Et maintenant, ses cheveux pendaient bien vers le bas. Je lui présentai Alfred, qui n’arrêtait pas de s’excuser pour la chute un peu raide.
-Pourquoi Esprit est tombé avant moi ? demanda-t-elle
-C’est que, à force de faire des tests et expériences, j’au quelque peu modifié la gravité. Ainsi, les objets très légers tombent vers la pelouse, et les plus lourds vers les nuages. C’est assez étrange, mais je suis en train de tout remettre en ordre, assura-t-il
Nous restâmes plusieurs jours dans cette pièce. Il n’y avait pas de sortie apparente, et Alfred avait de quoi nous nourrir et nous loger. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas mangé un repas complet et dormi dans un véritable lit. Chaque jour, nous aidions Alfred à remettre la gravité en ordre. Nous faisions aussi des expériences et observations, une vraie vie de scientifique ! Je crois que notre ami était content, lui aussi. Forcément, il devait s’ennuyer dans cette immense pièce, avec pour seule compagnie des fleurs et des objets étranges.
Mais, au bout d’un moment, Poussière d’étoiles commençait à vouloir partir d’ici. Je pris une soucoupe volante appartenant à Alfred et partis explorer la pièce afin de chercher une porte. Il devait obligatoirement en avoir une quelque part ! Je la trouvai enfin : elle était minuscule et peinte en vert. Le lendemain, nous expliquâmes à Alfred que nous désirions partir. Il entreprit de nous préparer des provisions pour la suite de notre exploration.
Nous sortîmes de la pièce le lendemain midi. Quand j’ouvris la porte, je poussai un cri, étonné par ce que je voyais :
-Mais ! Le sol est dix mètres en-dessous !
La porte était en l’air, presque au même niveau que le plafond de la pièce suivante.
-C’est normal, expliqua Alfred, les pièces n’ont pas toutes le même niveau de sol, la mienne à un 0 plus élevé.
Perdu dans ces explications auxquelles je ne comprenais rien, je pris la main de Poussière d’étoiles et sautai dans le vide.
***
Un petit point noir bougea sur l’une des caméras d’Alfred. Une ombre, aux traits et contours flous, se déplaçait lentement sur les nuages. Elle tomba vers la pelouse et entra immédiatement dans le laboratoire, comme si l’endroit ne lui était pas inconnu. Elle prit une soucoupe volante, chercha quelque chose sur les caméras, puis les éteignit toutes. Elle monta dans son engin volant et se dirigea vers la seule porte de la pièce. A son grand soulagement, le grand homme barbu était déjà parti. Elle ouvrit la petite porte verte et sauta, quelques instants après Poussière d’étoiles et Esprit.