Miss Lovegood as Miss Lovegood
C’était une de ces pièces où il n’y a qu’un simple paysage, et aucune âme qui vive, sorte de passerelle entre deux pièces plus mouvementées. Dans ce genre d’endroit, on se repose, on prend le temps de souffler un peu, de se détendre pendant quelques instants parce qu’il ne s’y passe rien, tellement rien qu’on s’y ennuie parfois. Deux possibilités s’offrent à nous lorsqu’on entre dans ce genre de pièce : on peut partir immédiatement, rongé par l’ennui et désirant affronter de nouveaux dangers, ou bien s’allonger, s’endormir, regarder les étoiles et profiter de l’instant présent.
Cette pièce était en fait une immense étendue de glace et de neige. Le sol était recouvert de flocons, de grands nuages bouchaient la vue et les lacs étaient gelés. Il y avait parfois de gros cailloux, qui agrémentaient le paysage si simple, et eux-aussi, avaient revêtu ce manteau hivernal.
Tout était blanc, tout était silencieux, immobile et figé. Tout était calme, paisible, triste et désolé.
J’avançais lentement, suivi par Poussière d’étoiles. Pendant longtemps, nous marchâmes sans prononcer le moindre mot, admirant le paysage et cherchant une nouvelle porte. Et puis mon amie partit dans un grand éclat de rire. Elle se gondolait et n’arrivait même plus à marcher, les larmes aux yeux. Son rire était contagieux, si bien que je riais moi aussi, sans raison.
-Tu sais quoi, Esprit ? me dit-elle d’un ton très sérieux.(Poussière d’étoiles change très vite d’humeur.) Et bah en fait, je suis drôlement contente d’être arrivée ici, et d’être coincée dans ce Château. J’ai envie d’explorer des milliers de pièces que nous n’avons pas encore visitées, rencontrer plein de créatures étranges et…
Elle s’arrêta brusquement de parler, me dévisagea lentement et éclata à nouveau de rire. Nous montâmes au sommet d’un gros rocher et glissâmes jusqu’au sol. Nous fîmes ensuite une bataille de boules de neige (ce qui n’avait pas grand intérêt pour moi) et, fatigués d’avoir autant couru et grimper, nous nous allongeâmes dans la neige. Le ciel était encore couvert de nuages. Je réfléchis quelques minutes, puis dis à Poussière d’étoiles :
-Tu te souviens que nous étions dans les égouts du Château il n’y a pas très longtemps ? Comme nous n’avons pas monté d’escaliers depuis, logiquement, nous sommes encore dans les profondeurs du Château, et, par conséquent, il doit y avoir plusieurs étages au-dessus de nous.
-Attends tu es entrain de m’expliquer qu’il y a, selon toi, une pièce là-haut ? dit-elle en désignant du doigt le ciel, mais cela signifie que son sol est constitué de… nuages ! C’est impossible !
-Et bien, on n’a qu’à aller voir ça de plus près !
Je me mis à courir en direction d’une montagne si haute que l’on ne voyait pas le sommet. Je grimpai, suivi par Poussière d’étoiles. Au fur et à mesure que nous montions, je me rendais compte que le pic rocheux était beaucoup que je ne le pensais. Enfin, nous arrivâmes au bout de notre ascension. Juste au-dessus de ma tête flottait un nuage, et, en-dessous, c’était le vide. Nous étions comme sur une passerelle entre le ciel et la terre, entre deux étages du Château. Je regardai une dernière fois ce magnifique paysage blanc et figé, puis grimpai de quelques mètres, pour finir absorbé par les nuages.
***
Blanc ? Un détail avait échappé aux yeux de Poussière d’étoiles et d’Esprit. Parmi tous ces rochers liliaux, sur le sol recouvert de flocons, il y avait un caillou gris, intrus dans cette étendue de blanc.
Figé ? Le caillou roula sur lui-même, mu par une force invisible, puis disparu. Pas moins d’une seconde après, une ombre noire, aux traits et contours flous, surgit à l’endroit précis où le caillou s’était volatilisé. Elle grimpa silencieusement sur la plus haute montagne, celle dont on ne voit pas le sommet, et traversa le plafond de nuages, au même instant que Poussière d’étoiles et Esprit.