lolo as lolo
Nous avancions depuis environ un jour dans les couloirs. Environ car dans le château, c’est plutôt difficile à évaluer. Le couloir devenait de plus en plus obscur. Ahna, avec ses cheveux noirs et sa peau ébène, était presque invisible dans l’obscurité, on ne voyait plus que ses yeux. On aurait vu ses dents si elle avait souri, mais elle ne souriait pas. Yann, avec sa peau pâle, ressemblait à un spectre. Quant à moi, je n’étais plus qu’une silhouette floue. Il n’y avait pas d’air dans ce couloir, aucun souffle de vent ne venait faire voleter mes cheveux bruns, coupés au carré.
Ahna s’arrêta. Je relevais les yeux, abandonnant la fascinante contemplation de mes bottes cloutées. Nous étions devant une porte.
-Tiens elle n’a pas de nom celle là, fit remarquer Yann.
Ahna haussa les épaules.
-On rentre? demanda-t-elle.
-Heu… hésitais-je. C’est vrai que la visite de la dernière pièce m’avait considérablement refroidit. J’avais encore mal partout.
-C’est vous qui m’avait entraîné dans ce maudit Château, dit Ahna, alors vous allez pas hésiter devant chaque porte.
-Rien ne t’obligeait à nous suivre, dis-je.
-Oui mais bon, c’était ton idée, continua-t-elle.
-On peut quand même avoir un temps de réflexion ? demanda Yann. Je soupirai.
-Non Ahna a raison, lorsqu’on rentre dans le Château, on ne peut plus faire demi-tour. Et puis on est pas des lâches comme ces autres déserteurs.
-Parle pour toi, chuchota Yann.
-De toute façon, ils sont tous morts, ceux qui ce sont enfuis au hasard, conclut Ahna en ouvrant la porte. Nous entrâmes dans une pièce plongée dans l’obscurité. Yann entra le dernier et marqua la porte d’une croix avec son poignard. La porte claqua dans notre dos. Nous sursautâmes. La lumière s’alluma. J’en restais bouche bée.
Nous étions dans un espèce de grand appartement moderne. Au fond à gauche, une cuisine tout équipée avec un bar gris et cinq tabourets noirs sur un pied en métal. En face et derrière nous, il y avait deux portes noires vernies, qui n’avait rien à voir avec la porte en chêne massif de dehors. A droite, d’un côté il y avait un canapé d’angle blanc et sa table basse. Il y avait aussi un poste radio qui diffusait toutes les musiques imaginables lorsqu’on en disait le titre. De l’autre il y avait une chambre cloisonnée par des murs en plâtre, mais sans porte. Les murs étaient gris, le sol à carreaux blancs et noirs et le plafond blanc. Le tout était certes très moderne mais surtout très froid, austère. Yann commença immédiatement à la dessiner dans le carnet.
-Bon, dit Ahna, je vérifie si c’est pas piégé et toi tu vérifie la nourriture.
Elle me désigna le frigo.
Une heure plus tard nous avions tous fini ce que nous avions à faire. Rien à signaler. Le lendemain, les lits étaient déclarés excellent.
-Je vous propose un truc, dit Yann alors que l’on mangeais du poulet rôti sortit du frigo, on reste deux jours de plus, le temps que Laetitia se remette et puis on y retourne, ok?
-Je suis d’accord, dis-je le bouche pleine.
Ahna réfléchit un instant.
-Moi aussi, mes haches ont besoin d’être aiguisées.
Nous continuâmes le repas en silence.
Je fut réveillé en pleine nuit par un cri d’Ahna.
-Réveillez-vous on a de la visite.
Je sortis de la chambre, suivit de Yann. Ahna tenait une femme au sol, elle lui avait mis un genoux sur le dos et lui tenait les bras.
-Je m’étais levé boire…
-De la vodka? interrompit Yann à moitié réveillé.
-Non de l’eau, c’est pas le moment de faire de l’humour. Elle le fusilla du regard. Il bailla.
-Ce n’est pas se que vous croyait, dit la femme de son inconfortable position, je suis une aventurière, comme vous et je passais juste par là.
Elle était blonde aux yeux bleus et n’avait pas l’air très menaçante.
-Allez, intervins-je, lâche-la Ahna.
Elle la lâcha mais ne la quitta pas des yeux. Je connaissais la méfiance d’Ahna. On invita l’exploratrice à rester parmi nous, malgré les protestations de l’ex-cannibale, qu’on ignora.
Le lendemain soir, Lily, c’était le nom de l’aventurière, sortit de la chambre après nous. Ahna s’approcha d’elle avec un grand sourire, le genre de sourire que doit avoir un loup devant un agneau.
-Tu vas bien Lily?
-Heu oui…
-Tu n’as pas l’impression d’avoir quelque chose qui ne t’appartiens pas?
-Non pourquoi? dit Lily, nerveuse.
-Ha oui? Lily se retrouva immmobilisé au sol, exactement comme à son arrivée.
-Mais arrête Ahna! s’écria Yann.
Elle ne répondit pas, fouilla dans les poches de Lily et en sortit une dague et le carnet de Yann, qui pâlit.
-Qu’est ce que vous allez faire de moi? demanda Lily d’une petite voix.
-Ho je sais pas. Tu sais, je suis une ancienne cannibale et même si ça fait longtemps que je n’ai mangé personne, je n’aurais rien contre un petit peu d’humain.
Je restais impassible pendant que Yann atteignait la pâleur cadavérique.
-Tu n’es qu’une sale voleuse en fait, dis-je.
-Non, vous ne comprenez pas, pleurnicha-t-elle, c’est le Château il m’oblige je dois faire ce qu’il me dit, sinon…
Elle s’évapora comme une bulle de savon, à la grande surprise d’Ahna.
Le lendemain, tout était pris pour le départ.