Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA 500ÈME PIÈCE VUE PAR LOUVELO (OU LA PIÈCE OÙ LE CHATEAU S’EST RÉVELÉ)
LA 500ÈME PIÈCE VUE PAR LOUVELO (OU LA PIÈCE OÙ LE CHATEAU S’EST RÉVELÉ)

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LA 500ÈME PIÈCE VUE PAR LOUVELO (OU LA PIÈCE OÙ LE CHATEAU S’EST RÉVELÉ)

Louvelo as Louvelo

Je poussai la porte prudemment ; c’était une large porte d’un bois clair et parcouru de veines plus sombre, du chêne, probablement.
La pièce derrière la porte était spacieuse, bien éclairée. Il faisait chaud. Je balayai la pièce du regard, m’attendant à un piège. Des fenêtres, munies de grands rideaux pourpres d’un tissu épais et soyeux, dessinaient sur le sol des carrés clairs en faisant étinceler les particules de poussières flottant doucement dans l’air. Des fauteuils rembourrés étaient disposés dans la pièce, et, dans un coin, un large buffet exposait de la nourriture aux arômes alléchants dans des plats de cuivres. Je fronçais les sourcils.
Cette pièce était trop accueillante, trop chaleureuse. Étais-ce un piège ?
Je me tendis soudain, un frisson courant le long de mon échine.
Au coin de la cheminée où un feu crépitait dans l’âtre, dans des fauteuils, il y avait des gens, des épées glissées dans leurs ceintures. Ils parlaient, riaient, mais quand ils me virent, le silence se fut.
Mon sang ne fit qu’un tour, et sans réfléchir, je me métamorphosai, et bondit sur la plus proche. Je la plaquai sur le sol, et nous roulons à terre. Je vois d’autres sortir leurs armes.
-Calmez-vous ! Cria une voix d’un ton affolé. Mademoiselle, euh…Nous ne vous voulons pas de mal ! Nous sommes comme vous, des explorateurs.
À ce mot, je dressai l’oreille, sans pour autant lâcher ma proie. Des explorateurs… Soudain, je compris. Je me relevai, époussetant mes habits couverts de poussière.
-Désolé, je murmurai par politesse, bien que je ne fusse pas désolée. J’avais suivi mes instincts. Ils m’avaient sauvé la vie bien trop de fois pour que je leur reproche quelque chose.
Je me retransformai en humaine, regardant tous les visages, gravant le moindre détail dans ma mémoire. Chacun rengaina ses armes.
La jeune fille que j’avais plaquée à terre se releva, se massant le corps. Je sentis les regards fixés sur moi, alors je m’assis dans le douzième fauteuil, le seul qui fut vide, tentant de calmer les battements de mon cœur. J’étais donc la dernière attendue.
L’atmosphère se détendit rapidement. Les rires reprirent, les conversations se firent plus joyeuses et plus bruyantes. Nous partageâmes des vivres, racontâmes nos histoires. J’appris à connaitre les explorateurs, comme la fille que j’avais plaquée au sol qui s’appelait Leeko. Il y avait un nain, un esprit invisible, une fille minuscule, des filles et des garçons – il y avait un garçon aux cheveux bruns et au regard pétillant qui s’appelait « un gars » !- et d’autres explorateurs fantastiques. En tout, nous étions douze. Je remarquai que chaque fauteuil semblait fait sur mesure. Il y avait des fauteuils, un petit pour le nain, un minuscule pour Poussière d’Étoile (car tel était son nom) et le mien, un large et confortable fauteuil muni d’un accoudoir pour poser mon épée, semblait parfait pour une guerrière.
Soudain, l’air devient frigide. Le feu mourut dans la cheminée. Tout le monde se tut, les rires cessèrent.
Un ricanement lugubre retentit dans l’air froid.
Les murs se mirent à trembler, des blocs de pierres se détachant du plafond avec un nuage de poussière. J’entendis un cri sans pour autant savoir d’où il venait. Une voix claire, arrogante retentit.
« Les décennies passent, et pourtant il se trouve toujours des explorateurs pour s’aventurer entre mes murs. Toujours les mêmes imbéciles arrogants qui sont convaincus qu’ils parviendront à s’en tirer. Pitoyables. Qu’ils explorent une, dix ou vingt pièces n’a pas d’importance. Tous finissent par mourir ou par perdre la raison. Aucun aventurier ne m’avait jamais échappé. »
Je connaissais cette voix. Trop bien, même. C’était le genre de voix qu’on n’oubliait jamais, le genre de voix qui restait gravée dans votre esprit, vous donnant des cauchemars la nuit.
C’est le château.
Je serai les poings. Comment osait-t-il ? La voix repris, narquoise.
« Jusqu’à aujourd’hui. Douze d’entre vous m’ont posé plus de problèmes en quelques mois que tous les autres aventuriers en cent ans. Il fallait que cela cesse. Mais apparemment, je me fais du souci pour rien. Vous avez sauté à pieds joints dans le piège. »
Il éclata de rire. Je sentis mes nouveaux amis se tendre, les muscles bandés. Mon cœur se remplit de rage, et je voulus bondir sur le Château, planter mes crocs dans sa chair immonde, faire couler son sang, l’entendre hurler. Mais un sort invisible nous retenait de bouger.
Je le vit enfin. Il avait pris l’apparence d’un géant.
« Enfin, continua-t-il, le principal c’est que je puisse vous détruire une fois pour toutes. Si vous voulez implorer ma pitié, je crains qu’il ne soit trop tard. »
Je retins un ricanement. Sa pitié ? Comme si l’un de nous allait l’implorer ! Ce géant était décidément bien sûr de lui.
Je n’avais pas peur. Tout lui en était basé sur des illusions. Son apparence. Sa voix aussi, surement. S’il avait besoin de se cacher derrière des mensonges, ça ne devait pas être un bien grand ennemi. Son regard moqueur se posa sur une petite fille, pas plus grande que mon pouce, vêtu de gris. Poussière d’Étoile
« Tss tss, siffla t’il. Pas même haute dix centimètres et elle pense pouvoir me défier! »
Il s’approcha, saisissant le frêle corps dans son énorme main. Son sourire dévoilait des dents blanches, trop blanches – encore une illusion. Poussière d’Étoile parvint à brandir son poignard. Elle creusa une grande éraflure sur la joue, qui se teinta de rouge. Le géant poussa un grognement rageur.
« Si c’est ainsi, meurs donc la première! »
Je n’eus pas le temps de voir ses mains se resserrer sur son corps. Le sort était brisé. Je me jetai sur le monstre, mon corps changea rapidement de forme.
Et, enfin, mes griffes déchirèrent sa peau.
En quelques secondes, je fus rejoint par mes compagnons. Tous, petits, grands, filles ou garçons, se jetèrent sur le géant.
Et, combattant à leurs côtés, je ressentis quelque chose que je n’avais jamais ressenti avant.
Le sentiment d’appartenir quelque part.
Le géant hurlait, se contorsionnait dans tous les sens, agitant ses bras. Ses hurlements rageurs ne nous ébranlaient même pas, et je ne vis personne lâcher prise.
Le sang coulait, autant celui du géant que le nôtre. Une longue entaille sur mon épaule me faisait souffrir. Du sang coulait de la plaie, tachant mon épaisse fourrure argentée.
Pendant que certains attaquaient le géant sur le sol, d’autres avaient pris la voie des airs, se perchant sur les lampes au plafond afin de le blesser au visage. Leeko et une jeune fille nommée Sara lançaient sur le géant une volée de flèches.
Animé par une rage surhumaine, le géant arrachait des morceaux de plafonds pour les lancer sur nous.
J’aperçus du coin de l’œil que quelques explorateurs avaient renversé une table et avisaient un plan. Je les encourageais mentalement, tout en griffant, mordant le géant.
Soudain, je vis Poussière d’Étoile, lancée à pleine vitesse dans un petit bol qui devait venir du buffet, planter un pieu dans l’œil du géant qui hurla, plaquant la main sur son visage.
Au même moment, d’autres explorateurs étaient occupés à ficeler les pieds du géant afin de… Oh oh.
Je m’écartai brusquement, juste à temps pour éviter le géant qui s’écroulait à terre.
Il reprit sa forme humaine, souriant moqueusement. Mais malgré ses airs arrogants du sang coulait de ses nombreuses plaies, et il semblait fort abattu.
« Pas mal. Je n’en attendais pas moins de vous. A présent qu’on s’est amusés, on peut passer aux choses sérieuses. »
Avec un nouveau sourire, il se volatilisa et un nuage de créatures mi oiseau mi femmes se précipita vers nous. Je courus, et aperçut une silhouette allongée sur le sol. Leeko.
Je me précipitai vers elle, la secouant rudement sous ma forme humaine. Elle était inconsciente.
-Leeko !
Elle ouvra un œil, puis se leva brusquement, dégainant son épée.
-HARPIES ! Je criai, dégainant la mienne. Ma forme de Louve ne me serait d’aucune aide contre ces volatiles vicieux, ainsi je ne me métamorphosai pas.
Leeko et moi nous mîmes dos à dos, nous défendant tant bien que mal. J’avais réussi à en éliminer une douzaine avant qu’elles ne disparurent. À la place, la pièce se remplit d’une eau opaque, visqueuse. Je donnai un vigoureux coup de pied afin de remonter à la surface. Les cataclysmes se succédèrent avec une rapidité entrainante. Ce fut alors une danse, la danse des éléments déchainés : une tempête de sable, un ouragan, une inondation, une volée de pierres, une attaque d’un tel monstre… Mais je compris vite, ainsi que d’autres. Je vis une fille nommée Enfant des Mers échanger quelques regards avec d’autres. Le château, malin, rapide peut-être, manquait d’idées. Nous comprîmes vite l’ordre dans lequel apparaissaient les cataclysmes. Alors, quelqu’un dans la salle criait : « SABLE ! » ou « EAU !» ou « GOBELINS !» Leeko et moi combattîmes dos à dos, quand, soudain, elle s’effondra sur le sol. Je me précipitai vers elle, mais déjà, elle ne bougeait plus. Une tache rouge s’élargissait sur sa poitrine, une flèche plantée au milieu. Mais elle respirait. Elle était vivante.
Je ne pus m’empêcher de penser que cette fille avait la pire des malchances. Je ne pouvais rien faire pour elle tant que le géant n’aurait pas succombé. Mais nous étions organisés, et, déjà, les malheurs s’abattaient plus faiblement sur nous. Parfois, lorsque nous avions déjoué un autre de ses pièges, le géant apparaissait un bref instant, empli de rage, mais blessé, et affaibli.
Bientôt, il apparut devant nous, nous défia du regard un instant, puis disparut pour de bon quand une épée dorée fut lancée en sa direction. Je crois que c’était Un gars.
Nous avions battu le Château.
Une vague de triomphe nous parcourut, enfin, ceux qui n’étaient pas déjà inconscient. Nous nous regardâmes. Nous étions blessés, épuisés, mais triomphants, un sourire nous éclairant le visage.
Je me précipitai vers Leeko. Elle respirait toujours, un peu lentement mais elle respirait. Je lui retirai la flèche vivement, mais avec prudence. Heureusement, et à mon grand soulagement, elle ressortit entière de la plaie. Pendant que d’autres soignaient leurs amis ou eux-mêmes, je sortis un bandage de mon sac et entreprit de soigner Leeko. Nous nous assîmes sur les sièges, afin de nous reposer. Je bus et mangeais un peu, quand Leeko ouvrit les yeux.
Mais bientôt, ce fut temps de partir.
-On se reverra, j’en suis sure, dis-je.
Tout le monde hocha la tête. Le géant nous voulait mort. Il nous réservait surement des pièges dans les pièces suivantes.
Mais au moins, nous savions que nous n’étions pas seuls.

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