Hidden in the fog of my eyes ~ Yume-chan as Hidden in the fog of my eyes ~ Yume-chan
Pièce n°4
J’empoignai Manna et la projetai dans l’ouverture, avant de m’y précipiter moi-même. Cette nouvelle pièce était extrêmement sombre. Je courais encore quelques instants dans le noir le plus complet, puis me retournai. Un bourdonnement sourd m’indiquait que Manna était à proximité, mais dans un faible état.
L’ombre de Smi se dessina dans l’encadrement de la porte. Sans hésiter, je me précipite vers lui et abas mon épée violemment.
Dans le vide.
– Tu veux te battre ? murmura Smi dans mon dos.
Sans le voir, je devinais son sourire.
Un trait de feu me transperça tel une flèche. Se retira.
Me tenant les cotes, je tombais au sol. Un liquide chaud et poisseux coulait entre mes doigts. Je fermai de nouveau les yeux, cherchant à calmer ma respiration trop précipitée.
Je serre les dents, me recroqueville. Derrière moi, Smi émet une chaleur surnaturelle. Mais j’ai froid. J’ai très froid. La lumière du couloir ne parvient plus à percer l’écran de mes paupières.
D’une main, je cherchais mon épée, me raccrochant aux l’espoir d’une ultime attaque. Rien. Merde.
***
La petite fille courait entre les hauts murs de pierre brute d’un couloir éclairé seulement par quelques rares torches.
Elle avait à peine dix ans. Elle savait que ce qu’elle allait faire était interdit. Qu’elle allait sûrement être punie. Mais peu importait. Les règles, ça n’avait jamais été son truc. Elle ne les avait jamais respectées. Il y en avait trop pour qu’elle prenne la peine de les écouter.
Elle se faisait constamment gronder. Quand elle regardait par la fenêtre, ne tenait pas sa fourchette correctement, soupirait un peu trop fort…
Certes, le château était grand, il était beau et tout ce qu’on voulait, tout ce dont on pouvait rêver était à sa portée. Elle était une privilégiée. Mais cela ne la satisfaisait guère. Elle n’avait que faire des égards, tout comme des règles. Ce qu’elle voulait, c’était sortir.
Mais elle n’en avait pas le droit. Comme tous les autres, d’ailleurs. Depuis sa naissance, elle n’avait qu’entraperçu le monde extérieur. elle n’avait jamais sentit le vent sur son visage, n’avait jamais foulé l’herbe verte du dehors. « Dehors, c’est trop dangereux ». Tous les autres, même les plus vieux, était dans le même cas. cela faisait longtemps que toutes les portes avaient été condamnées, ainsi que les fenêtres. Et lorsqu’elle demandait pourquoi, c’était une foule de visage scandalisés qui lui répondait. Toujours la même rengaine, en plus : « Dehors, c’est trop dangereux ». A croire qu’ils ne savaient pas vraiment pourquoi.
Et là, une nouvelle fois, elle enfreignait les règles. Tant pis. Elle faisait cela depuis près de deux mois, elle n’allais pas y renoncer maintenant…
Elle arriva au bout du couloir. Un cul-de-sac en apparence. Agrippant les failles du mus de pierre brute de toute la force de ses bras frêles, elle se hissa jusqu’au plafond, où un tunnel étroit s’enfonçait dans le noir. Elle pris une grande inspiration et se faufila à l’intérieur. Elle rampa ainsi une ou deux minute avant que la lumière perce enfin l’obscurité. Tout en restant dans le conduis, elle observa la salle qui se trouvait devant elle : une grande pièce, spacieuse, seulement meublée d’une commode ancienne et d’une colossale cheminée où crépitait un bon feu. La seule ouverture vers l’extérieure était une porte dotée de deux battants de bois sculptés aux armoiries du palais.
Deux hommes entrèrent par cette porte. Le premier était grand et sec, vêtu de souples vêtements de cuir sombre. Celui qui le suivait, plus jeune, portait des protections métalliques qui formaient une armure légère, protégeant son torse, ses bras et ses jambes. Celui là, la gamine le connaissait : c’était Raivo, le fils d’un haut fonctionnaire.
Sans un mot, le premier se dirigea vers la commode et en sortit une épée ancienne à pommeau d’ivoire. Puis, après une série d’étirement, il se retourna vers l’autre, et lui adressa d’une voix neutre :
– Nous pouvons commencer.
Comme s’il n’attendait que cela, Raivo fit apparaître un cimeterre dans ses mains et s’élança en direction de l’autre homme, rapide comme une flèche, et abattit violemment son épée. Son adversaire esquiva sans problème, et, si vite que l’on pouvait à peine distinguer ses mouvements, porta un coup au défaut de l’amure, à l’aisselle, puis un derrière les genoux. Raivo s’affala au sol, et l’épée disparut. Dans un dernier effort, il tenta de se relever et d’attraper, en vain son arme.
D’un air dédaigneux, l’autre homme lui dit :
– Laisse tomber. Je t’ai déjà expliqué pourquoi cela arrivait. Tu tenais à un combat à mort, malgré mes recommandations. TU l’as perdu, tant pis.
Il regarde un instant l’autre, au sol, chercher à atteindre son épée qui a disparu.
– Il ne sert à rien de la chercher. Je t’ai déjà dit que, lorsqu’une épée invoquée disparaît d’elle même, sans l’accord du maître, c’est que celui-ci est au porte de la mort. Alors adieu.
L’homme enjamba le corps de Raivo, puis s’en alla sans même un dernier regard au cadavre.
***
Recroquevillée au sol, je pleurais de rage : il ne restait donc aucune solution ? Etais-je destinée à mourir ici comme un chien ? Etait-ce ça, le sort auquel j’étais réduite ? C’était donc ainsi que je devais finir ?
Les poings serrés, je cherchai sans trop d’espoir une explication autre à la disparition de mon arme. En vain. Il n’y avait rien, strictement rien qui pourrai me sauver.
Enfin, une faible lueur transperça mes ténèbres. Un espoir dérisoire, insensé. Mais aussi mon ultime solution.
***
La jeune fille tombe au sol, une dernière fois. Elle n’en peut vraiment plus. Tous ses muscles hurlent littéralement de douleur, et elle entend presque ses poumons crier grâce. Le Maître descendit de sa branche en se laissant tomber au sol avec une élégance que lui seul possédait.
-Eh, bien, jeune élève, déjà fatiguée ?
Elle marmonna, face contre terre, une phrase inintelligible.
-Un peu plus fort, je te prie…
–onne- … -ivre- … ours… !
-Une nonne ivre qui court ? Je suis navré de te dire que tu perds la tête…
-PERSONNE NE PEUT SURVIVRE A TES COURS !!! cria l’adolescente en levant violemment la tête, qu’elle fut contrainte de laisser retomber au sol, faute à ces maudites courbatures.
Dans un effort douleureux, elle se retourna sur le dos car elle commençait à étouffer. Le Maître s’assit en tailleur à côté d’elle et lui posa une main sur le front. Puis il lui dit :
-Je t’avais prévenue, il y a cinq ans, que mon entraînement serai dur.
-Il n’est pas dur, il est INHUMAIN !
-Assume tes choix. Lorsque tu es venue me voir pour me demander de t’apprendre mon art, je t’avais déjà mise en garde.
Elle ferma un instant les yeux, puis les rouvrit, le regard dirigé vers le ciel.
-Tu étais le seul à savoir comment sortir de cette prison.
-Je trouve que tu parles bien mal de la propriété que possède ta famille depuis des générations.
-…
-Etait-ce pour cela que tu m’as demandé à moi de devenir ton professeur ?
-En partie seulement, fit-elle après un temps de silence.
-Et quelle était l’autre raison ?
-Tu m’as semblé être le meilleur.
-Ah… Bon.
Il se leva et la regarda.
– Puisque tu m’as l’air bien épuisé, je vais t’apprendre une technique. Mais je te préviens : ne l’utilise qu’en tout dernier recours, si tu te retrouves, comme Raivo (Kaya aie son âme) ce jour-là.
***
Je collait mon front au sol de la salle. Aucun son ne me parvenait. Aucune sensation particulière, à part le froid qui partait de mon cœur et engourdissait peu a peu mes membres.
Je murmurai :
– Il y a autant d’étoiles dans le ciel
Que d’espoirs impossibles,
Autant de dangers dans le monde
Que de risques dans une vie,
La mort arrive, dévastatrice
Un espoir nait, dérisoire
Les 38 souverains du Royaume des Enfers
Les rois du ciel
Mènent une guerre dont l’issue
Semble certaine.
Par la Mort qui abat,
Par l’espoir qui relève,
Illumine et explose,
Lys den siste øyeblikk !
Une multitude de petits points lumineux apparurent et rentrèrent précipitamment dans mon corps. Puis tout explosa. Moi comprise.
Le noir se fit.
…
Smi se releva. Son corps était couvert de blessures plus ou moins graves, la plupart profondes.
– Une magie qui capte celles qui l’entourent pour transformer son possesseur en bombe, hein… Pauvre enfant…
Il ramassa un masque au sol. C’était un masque de bois aux allures guerrières. Un éclat était partit. Il regarda l’envers. Son nom y était inscrit en lettres d’or. Il soupira et le raccrocha au mur aux côtés des millions d’autres qui ornaient cette salle. Il faudra qu’il soit plus prudent la prochaine fois. Si son masque est brisé, il partira en poussière avec. Il regarda autour de lui. Partout, sur les murs, au plafond, des masques de bois, de pierre, de métal. La bibliothèque du roi. Celle où étaient entre posés tous ses contrats avec les démons du château. A travers les orifices des masques passaient un faible lumière verte, seul éclairage, bien faible, de la pièce, et qui lui donnait d’ailleurs une allure morbide
Il s’approcha du corps inanimé de celle qui, quelques instants auparavant, avait manqué de le détruire. Il lui souleva une mèches de cheveux. Elle avait les yeux fermés. Elle semblait bel et bien morte. Aucun doute là-dessus.
Il se retourna et partit.
S’arrêta.
Non. C’était impossible.
Derrière lui, avec une lenteur calculée, je me remettais debout.