La Miss Zoé as La Miss Zoé
J’entrais courageusement dans la première pièce et regrettai amèrement ma décision. J’était naïve de croire survivre jusqu’au bout si je n’arrivais même pas à traverser la première salle !
A peine avais-je refermé la lourde porte d’acier aux mille serrures derrière moi que la pièce se mit à tourner sur elle-même plusieurs fois avant de s’arrêter enfin. Ma tête tournait avec la salle, et le vertige me donnait la nausée et un mal de crâne terrible. Je titubai et en même temps que mon pied fit un pas hésitant sur ma droite, la roue gigantesque que je devais traverser tourna sur la droite, répétant ses tours de folie que je ne pouvais supporter. Je m’affalais à quatre pattes sur le sol dur, tentant d’y voir, mais le tournis atroce que je ressentais rendait ma vue floue, m’empêchant de distinguer quoi que ce soit, mis à part le balancement irrégulier de la roue de hamster dans laquelle je me trouvais.
Je fermai les yeux quelques instants, attendant que le sol se stabilise, mais j’avais toujours cette impression de spirales tourbillonnantes qui faisaient la fête dans ma pauvre petite tête sensible. Respirant à grands coups, j’avançais prudemment une main tremblotante, les yeux mi-clos, droit devants moi. Au moment où ma paume claquait sur le sol, la pièce bancale s’élevait de quelques millimètres sur le côté, mais cela restait supportable.
Maintenant les yeux grands ouverts, à l’affût d’un quelconque geste de la part de cette affreuse salle de forme ronde, j’avançais à genoux, les mains tâtant le chemin devant moi, essayant de créer une route droite qui ne ferait pas de nouveau tourner cette maudite pièce vertigineuse. Je rampais presque, de centimètre en centimètre, tentant de ne pas basculer sur un côté.
De là où j’étais, je pouvais voir tous les meubles qui peuplaient cette pièce, vus de bas. Cette vue donnait un effet de grandeur spectaculaire aux objets pourtant d’habitude de taille ordinaire. Je voyais la paille qui s’effilochait en-dessous des chaises en bois et en paille ; la poussière qui s’entassait à l’abri sous le grand canapé rouge ; des restes de nourriture moisie qui, avec le temps, s’étaient collés sous la table vernie.
Alors que mon regard suivait une piste de miettes tout le long de la petite-table, je heurtais de face une grosse commode qui s’affala sur mon bras. Je loupai une respiration avant de me fracasser (mon impression était tout comme) la tête sur le sol. Alors que j’étais tombée et roulait sur la gauche – était-ce la droite ? Je n’en savais trop rien – la pièce se mit à tanguer dangereusement avant d’entreprendre ses légendaires tours dont elle seule avait le secret. Je voulus crier mais la douleur de mon pauvre bras massacré me l’empêcha. Je n’arrivais plus à le bouger, et je dus pousser de toutes mes forces la commode de mon bras libre pour secourir celui qui était meurtri. Des « Ah ! Ah ! » non élégants sortirent de ma bouche tandis que je tournais encore et encore sur moi-même collée par la vitesse au tapis rouge qui ornait le canapé de la même couler vermillon.
Je devais m’accrocher à la commode, coupable de la blessure de mon pauvre bras, pour ne pas risquer de tomber. Au bout d’un moment qui me sembla être une éternité, le sol s’arrêta brusquement. J’étais dans une position très dérangeante, l’articulation du coude formant un angle droit avec mon avant-bras. Je ne sentais plus non plus ma langue que j’avais sûrement dû mordre lorsque je mangeais la poussière. Un goût de sang m’envahit la bouche et je me sentis divaguer, autant par cette atrocité de pièce que par le goût de mon propre sang.
Je tenais fermement mon bras tordu de l’autre, et courus sans m’arrêter jusqu’à la porte, causant des tourbillons incessants autour de moi, mais je n’y prêtais pas attention, et ma course était accompagnée de mes hurlements sonores. J’atteignis la porte bleue composé d’une lucarne noircie de poussière et d’acariens et passa de l’autre côté, espérant désespérément faire une pause, alors que l’aventure venait à peine de commencer.