Madame La Folle as Madame La Folle
Après avoir traversé les marais obscurs et boueux, contourné mains et mains arbres aux troncs noueux dans la forêt profonde en ayant toujours plus l’impression de me perdre, nagé avec toutes les créatures aquatiques les plus immondes qui soient, et trouvé mon chemin dans la jungle de toiles d’araignées visqueuses, j’ai fini par arriver devant le fameux château aux 100 000 pièces dont, parait-il, personne n’a réussit à se sortir vivant. De toute ma vie d’aventurière solitaire je n’avais jamais vu d’endroit plus beau et effrayant à la fois. Ce château était tout simplement incroyable. Chaque partie (tourelle, fenêtre, balcon,etc.) semblait changer d’apparence chaque seconde et changer de place également très souvent. À tout cela s’ajoutait un je ne sais quoi de mystère car une mélodie tendrement pas rassurante parvenait à mes oreilles sensibles d’exploratrice aguerrie. Sans plus attendre, je m’élancai vers la grande porte de bois noir qui servait d’entrée. Je passai furtivement dans un grand hall et, m’arrêtant un instant devant les nombreuses portes, ascenseurs et autres issues diverses menant vers autant de pieces, je décidai de prendre le petit escalier en colimaçon doré incrusté de pierreries et sculpté finement. Il me mena dans une pièce étonnante, je dirais même fascinante. Dès que je poussais la porte, j’entendis un vacarme assourdissant de cliquetis et je fus aveuglée par des lumières puissantes qui ne cessaient de se répéter. De plus, il s’échappait de part et d’autre de la pièce des fumées multicolores envahissantes qui vous obstruaient le nez d’odeurs délicieuses. Ce vacarme odorant, aveuglant et assourdissant dura environs trente secondes, puis s’arrêta aussi soudainement qu’il avait démarré. Alors, une fois que les fumées se furent dissipées dans l’air ambiant, je distinguai des étagères toutes en or et qui s’étendaient jusqu’à plus de vingt mètre au dessus de moi, et sur ces étalages incroyables s’alignaient d’innombrables appareils photographiques. D’un petit appareil en bois antédiluvien à un véritable ancêtre du réflex en passant par les Polaroïds de toute sorte, ce trésor était inestimable pour moi car, bercée depuis ma prime enfance dans le huitième art, j’attachais une attention particulière à la photographie. Un océan de photos de Polaroïd cascada sur moi car évidemment tout ces bouts de papier glacé avaient jugé bon de sortir de leur boîte, même tout en haut d’une montagne d’étagères. J’en attrapai une au vol, et attendant un peu (toujours enfoncée jusqu’à la taille dans cet amas étrange) je vis apparaître peu à peu mon visage. Mais quelque chose me perturbais, je compris vite pourquoi : au lieu d’une expression stupéfaite, voilà que le visage apparu était empreint d’une joie sans pareille. C’était comme si les photos changeaient l’expression des gens pour leur donner un air heureux. Je devais m’assurer que ce n’était pas un mythe. Je pressais l’interrupteur, geste qui eut pour effet de plonger la salle dans le noir, puis j’allumais la petite lampe rouge que j’avais repéré plus tôt. Je n’avais pas remarqué le petit établi en bois muni de multiples éviers métalliques déjà remplis des bains nécessaires au développement des photos. J’esquissai un sourire avant de m’approcher de l’étagère la plus proche. Je m’emparai du plus bel appareil puis je me mît au travail, plongeant quand il fallait les papiers dans les différent éviers. Enfin, après quelques dix minutes à patienter je vis apparaître mon visage toujours aussi souriant dans le cadre photographique. C’était donc ça, cette pièce ou plutôt les appareils qu’elle contenait avaient le pouvoir de changer les souvenirs qu’ils prenaient en des souvenirs heureux. Ainsi, c’est dans un sentiment de confiance que je m’attaquait à cette exploration sans fin sans me douter que j’allais bientôt être désillusionnée…