Bouffée d’oxygène as Bouffée d’oxygène
Nous y voilà. J’étais enfin arrivée devant ce mystérieux Château aux Cent Mille Pièces. Je l’avais cherché pendant des mois, des années, dans l’espoir d’enfin trouver cette merveille dont j’avais appris l’existence un jour sombre d’hiver, dans un lieu inquiétant où les mots se chuchotent et où l’on devient porteur d’un lourd fardeau, le sentiment de connaître quelque chose que l’on ne devrait pas. Là où les arbres frissonnent lorsque les secrets sont révélés, où le vent hurle pour couvrir les trahisons.
Le pont-levis se dressait devant moi, et je laissais durer ce moment si fascinant, si unique: le monde était à mes pieds, et je me devais, au nom de tous les aventuriers, de savourer cet instant. Qui sait si j’en reviendrai un jour…
Il était temps pour moi de parcourir les derniers mètres qui me séparaient de mon but. J’avançai, arrivai à l’immense portail et l’ouvris sans difficulté: le Château paraissait m’attendre. Alors, c’était donc vrai: il avait une âme…
Un frisson me parcourut. Était-il encore temps de renoncer? Non, assurément. Alors, puisque je n’avais pas le choix, je poussai la porte et entrepris de pénétrer dans ce mythe qui traverse les âges, éblouit et mène parfois à la folie…
Je fermai les yeux pour mieux profiter de ce moment oh combien attendu, et pour conserver l’intense émotion qui ne manquerait pas de s’emparer de moi à la vue des merveilles vantées de ce fameux Château.
Oui sauf que…en les rouvrant, il y eut un problème. C’est-à-dire qu’il n’y eut aucune différence: un noir total envahissait la pièce, et la peur, ce sentiment que j’avais si souvent renié, enfoui au plus profond de moi-même, s’empara alors de moi sans que je ne puisse rien faire pour l’empêcher.
Pour une surprise, c’en était une belle…moi qui m’attendais à quelque chose de magnifiquement grandiose, un spectacle haut en couleurs, une expérience inoubliable! Le silence régnait, le noir pesait, lourd, menaçant; j’eus presque envie de refermer les yeux pour essayer de retrouver ce noir si reposant et si familier qui m’envahissait dès que mes paupières se fermaient, à l’heure où Morphée m’accueillait dans ses bras.
Crispée, je ne bougeai pas; j’attendais que le Château fasse le premier pas; c’était bien la moindre des choses après tout ce que j’avais accompli pour lui.
Et bien j’eus beau attendre, je fus bien obligée d’admettre au bout d’un moment que ce Château était une total désillusion. Rien ne se passait. Je risquais un timide:
-“Il y a quelqu’un?”
Une grosse voix grave me répondit en me faisant sursauter.
-“Bienvenue au Château.”
Super, j’étais bien avancée.
-“Euh…merci…!”
-“Tu étais ici dans la pièce dépourvue de couleurs. Peut-être t’a t-elle déçue, mais ne t’avances pas trop vite; elle a encore beaucoup de surprises à réserver.”
Des surprises? Mon instinct d’aventurière reprit le dessus. Il fallait que je découvre ces surprises, puisque je voulais établir une étude complète de toutes les pièces du Château. Je fis un pas, et tout à coup deux gigantesques mains me saisirent et me firent passer par un trappe au dessus du sol. J’eus tout juste le temps de me rappeler, non sans rage, que la voix m’avait dit de ne pas avancer.