Aqua as Aqua
Nous fîmes notre entrée dans une nouvelle pièce, bien différente de la pièce-hérisson que nous venions de quitter (voir dernier com’ de titelilou). Ici, tout n’était que confort, confort et… confort. Une douce moquette aux allures d’herbe tendre recouvrait le sol, jalonnée de poufs multicolores et, dans un coin, un feu ronflait dans une cheminée de marbre, diffusant une chaleur engourdissante. Plus loin, un amas de coussins, et une table basse où étaient disposés des bols de lait. Aux murs, des tapisseries représentant des clairières, des montagnes, des forêts… Chose plus étrange, un arbre gigantesque avait poussé au centre de la pièce, étalant ses longues branches de part et d’autre de la pièce. Et à chacune d’entre elles, étaient suspendus des hamacs de toutes tailles !
Cependant, nos précédentes expériences nous avaient rendues méfiantes. Et si la pièce gardait une apparence chaleureuse, quelques détails clochaient. Nous ne les avions pas remarqués du premier abord ; mais en observant plus attentivement, ils ne pouvaient nous échapper.
Il y avait des poils, des poils partout : sur la moquette, les fauteuils… Et les tapisseries, à leurs bases, portaient d’étranges marques de griffures. Qui pouvait donc bien habiter là ?
La réponse ne tarda pas. Alors que nous nous laissions prudemment tomber sur des poufs, des yeux brillèrent dans la pénombre. D’innombrables paires d’yeux, comme des fentes, surgissant des hamacs, des branches feuillues, des coussins… des yeux de chats. Titelilou et moi changeâmes un regard. Nous avions pénétré leur territoire, c’était plutôt mauvais signe. Autant filer en vitesse ! Je cherchai une porte du regard. Rien ! Et même celle d’où nous venions avait disparu.
–Les tapisseries, me souffla la princesse. Dans mon château, il y a toujours plein de portes dérobées derrière les tapisseries…
Je hochai la tête, admirative. Que ferai-je sans elle ?
Nous nous rapprochâmes des murs, évitant les gestes brusques. Les chats avaient les yeux fixés sur nous et… oui, ils se rapprochaient. Lentement mais sûrement. Ils nous encerclaient. Nous commençâmes à tâter les tapisseries, cherchant un pan qui puisse se soulever. Mais c’était peine perdue pour le premier mur… Alors que nous passions devant la table aux bols de lait, ils nous déclarèrent franchement leur antipathie en se mettant à feuler.
–Minous minous minous… fit la princesse sur un ton apaisé où perçait une note d’angoisse.
Les chats nous suivirent alors que nous passions au troisième mur. J’entendis de drôles de cliquètements. Ils sortaient leurs griffes ! Déglutissant, je priai pour qu’une porte se dévoile à nous.
C’est là que nous le vîmes, bondissant souplement d’une haute branche. Je sursautai, apeurée, et Titelilou ne put retenir un hoquet de surprise.
Un lion. Un lion qui se léchait les babines en secouant sa crinière. Nous nous figeâmes, les chats aussi. Attendant le signal du roi des animaux pour nous sauter dessus, probablement.
–La… la… la porte ! s’exclama la princesse en pointant la tapisserie à côté de nous.
En effet, on voyait clairement un rectangle s’y découper. Alors que le lion rugissait, elle tourna une minuscule poignée. Les chats se jetèrent sur nous, toutes griffes et crocs sortis, alors qu’elle ouvrait la porte en grand. Je sentis des dents minuscules se refermer sur mon bras, des griffes lacérer mes jambes et mon dos, traçant sur ma peau des traînées rouge vif et brûlantes. Je hurlais avant de bondir par l’ouverture.